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Le Ballet de l’Opéra fait rejaillir La Source

La Source a tout pour devenir un ballet mythique !

Des noms de personnages impossible à mémoriser, une intrigue mêlant orientalisme et mystérieux, des costumes splendides, un argument limpide, une scénographie claire et dégagée. Ajoutons enfin à cette liste d'ingrédients un zeste de danses de caractères, d'amours contrariées et une fin tragique… L'Orient, ses voiles et ses odalisques, a toujours fait à la fois rêver les artistes (Ingres, Delacroix…) et le public, et la résurrection de ce ballet de 1866, disparu à peine dix ans plus tard, ne manquera pas d'entretenir le goût romantique pour les contrées lointaines d'Asie centrale. Que raconte-t-il ? Naïla, esprit de la source, tombe amoureuse de Djémil, le chasseur, qui n'a d'yeux que pour Nouredda, promise au Khan. Naïla sacrifiera sa vie pour rendre possible l'amour de Djémil et Nouredda.

Pour cette recréation, l'Opéra de Paris a misé gros, réunissant autour du chorégraphe , issu de la compagnie, une équipe de choc : Eric Ruf aux décors, aux costumes, à la dramaturgie. Eric Ruf, par ailleurs sociétaire de la Comédie-Française, a transposé l'univers exotique du Caucause, région dans laquelle se déroule l'histoire, en une forêt de cordes assemblées, de passementeries et de rideaux déchirés, dans laquelle souffle l'esprit de la source. Le talent de et des ateliers de costumes de l'Opéra éclate à l'arrivée de la caravane caucasienne : tissus chatoyants, fausse fourrure, le tout dans une généreuse palette de couleurs chaudes. Une splendeur qui se poursuivra tout au long du ballet, avec les costumes des nymphes, puis des odalisques, en tulle ou en mousseline rebrodés de scintillants cristaux Swarovski.

De nombreux rôles au caractère affirmé

Du côté de la chorégraphie, , professeur du Ballet de l'Opéra de Paris, répétiteur et chorégraphe à ses heures, a réalisé une synthèse audacieuse du style classique de différents ballets du répertoire, de Petipa à Lifar. Dans les danses de caractère (caravane des caucasiens, pas des odalisques, danse circassienne), il applique avec brio une tradition enseignée depuis plusieurs générations à l'Opéra de Paris, en la modernisant à bon escient. Dans la tradition du ballet blanc (Les Sylphides, Giselle…), une large place est laissée aux vingt danseuses du corps de ballet qui incarnent les nymphes. Parfaites ballerines romantiques, elles portent un tutu blanc aux reflets bleu ou vert et un diadème sur la tête, mettant en valeur la beauté de leurs lignes.

Pour les rôles principaux, qui sont à la fois variés et nombreux, a souhaité donner à chaque interprète un caractère propre. Zaël, l'elfe de la source, dansé par le bondissant , ouvre le bal. Sauts d'une grande netteté, petite batterie virtuose, il est éblouissant à chacune de ses apparitions. Naïla, la fée de la source, est dansée pour cette première distribution par , Première danseuse formée au Teatro Colon de Buenos Aires et qui a rapidement grimpé les échelons du Ballet depuis son arrivée. Dans ce grand rôle, elle se révèle une grande danseuse, qui fera honneur au titre d'étoile quand celui-ci lui sera décerné. Simple et subtile, elle fait preuve de moelleux et de légèreté, portée par son parfait partenaire, , délicat et attentionné dans le rôle de Djémil, le chasseur.

D'autres rôles remarquables émaillent ce ballet exotique, qui n'est pas sans rappeler La Bayadère. Celui de Nouredda, la caucasienne promise au Khan, est servi par les bras longs et expressifs d'. Mozdock, le frère de Nouredda, est interprété avec volonté et fougue par un barbu. Enfin, Dadjé, la favorite du Khan, incarnée brièvement par , mène son harem d'une main de fer.

Une triple rivalité féminine

Si l'essentiel des morceaux de bravoure se placent à la fin du 1er acte, où la musique rapide de donne lieu à un manège compliqué pour la variation de , l'intrigue se noue réellement au début du second acte autour de la triple rivalité féminine, qui permet à chaque personnage d'éprouver sa personnalité. Dadjé, la favorite du Khan doit en effet céder sa place à la promise, Nouredda, qui se retrouve elle-même détrônée par Naïla, la fée de la source. Le tout en moins de dix minutes ! Peut-être l'enchaînement des événements est-il un peu trop rapide, laissant peu de temps à chaque rivale de faire montre de ses charmes ? Sur une partition de , le solo de Nouredda humiliée, bientôt rejointe par le chasseur sur un plateau entièrement nu, est en revanche un très beau moment dramatique. Tout comme l'apparition de la fée facilitatrice, deus ex machina, qui vient réconcilier le couple au prix du sacrifice de sa vie. y éblouit alors de mille feux, laissant aux spectateurs un sentiment d'enchantement.

Crédit photographique : © Anne Deniau / Opéra national de Paris

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