Après le choc sur scène, le choc en vidéo. Diffusée sur Arte, cette Elektra mythique, dernière mise en scène de Patrice Chéreau, passe très bien du plateau à l'écran et garde entier son potentiel émotionnel.
La réalisation, confiée à l'excellent Stéphane Metge, magnifie le travail scénique de Chéreau. Les caméras privilégient les vues depuis le public, les gros plans, d'habitude assez défavorables aux chanteurs, rendent ici l'émotion encore plus grande – et par conséquent quasi insupportable. On retrouve avec joie ce classicisme mêlé de relecture propre à Patrice Chéreau, tel la scène de reconnaissance d'Oreste ou le départ de ce dernier à la fin de l'oeuvre.
Au niveau musical le miracle continue. Esa-Pekka Salonen souffle le chaud et le froid avec un Orchestre de Paris survolté, alternant les passages d'une douceur inattendue aux déferlements orchestraux hystériques. Evelyn Herlitzius brûle les planches, Elektra plus vraie que nature, souveraine et révoltée. Waltraud Meier reste à l'écran la tragédienne hors-pair qu'elle a toujours été. Adrianne Pieczonka et Mikhail Petrenko offrent de solides Chrysothemis et Oreste et on se réjouit qu'Egiste soit chanté par un ténor en voix, Tom Randle. Dans la multitude de seconds rôles, on retrouve avec la même émotions les vieux routiers (Roberta Alexander, Renate Behle, Franz Mazura, Donald McIntyre, Bonita Hyman) et les jeunes talents (Andrea Hill, Silvia Hablowetz, Marie-Eve Munger, Florian Hoffmann).
Un DVD d'exception, présenté dans un format digipack et augmenté d'un excellent livret d'accompagnement. Le bonus permet d'écouter les dernières paroles de Patrice Chéreau expliquant « son » Elektra, un document post-mortem qui est le plus beau des hommages à cet homme de théâtre.