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Fortunio de charme et d’élégance à Nancy

Avec la reprise de l'exquis spectacle de , l'Opéra national de Lorraine offre à Nancy une fraîcheur bienvenue en ces temps troublés.

En collaboration avec l'Opéra national de Lorraine, cette production de Fortunio d' fut créée en 2009 à l'Opéra Comique de Paris puis reprise en 2019 et captée à cette dernière occasion pour le DVD. Elle conserve toutes ses indéniables qualités. Les élégants décors d'Éric Ruf (que les équipes techniques de Nancy changent avec une appréciable célérité lors des précipités), les magnifiques costumes de Christian Lacroix transportent le spectateur à la Belle Époque de la création de l'œuvre, avec un naturalisme teinté de stylisation et de poésie. , dont le travail a été repris ici par Laurent Delvert, évite de brutaliser le délicat ouvrage de Messager, assure avec clarté et humilité le déroulé de l'action et dirige les chanteurs avec un naturel et une subtilité qui parachèvent la réussite. Tout ici sonne vrai, juste, authentique et les complexités de l'âme humaine, entre rire et larmes, sont données à partager au spectateur.

La distribution reprend en grande partie celle de l'Opéra Comique en 2019 avec quelques notables changements. On y retrouve avec plaisir la Jacqueline si fine et charmante d', jouant à la perfection avec une aisance vocale parfaitement adaptée au rôle et dont le fin vibrato assure substance et projection. Il en va de même du Maître André de , dont les considérables talents scéniques emportent l'adhésion en cocu magnifique malgré une voix de plus en plus récalcitrante. reprend son Landry sonore et soigné ainsi que Luc Bertin-Hugault en Maître Subtil de haute stature.

Après avoir été le Lieutenant d'Azincourt en 2019, se voit promu dans le rôle-titre de Fortunio. Il y est parfaitement adapté, doux et nuancé en amoureux transi naïf et un peu benêt, capable cependant de force voire de violence dans la révolte quand il comprend le rôle qu'on lui a fait jouer en se moquant de lui. Le timbre est séduisant, le style élégant avec un recours fréquent et réussi à la voix mixte mais qui le rend parfois peu audible. succède à Jean-Sébastien Bou en Clavaroche matamore et y apporte franchise de l'accent, relief, puissance et virilité triomphante non dénuée d'humour. Des deux lieutenants, on avoue préférer la vocalité suave de Ju In Yoon en d'Azincourt à celle plus brutale de Thomas Dear en de Verbois. En Madelon, Aliénor Feix fait de nouveau montre d'une riche substance vocale. Tous prononcent avec clarté le texte souvent ampoulé et aux curieuses rimes des deux librettistes Gaston Arman de Caillavet et Robert de Flers.

La jeune cheffe a été nommée en janvier 2021 directrice musicale de l'Opéra national de Lorraine. Sauf erreur, elle assure ici sa première direction d'opéra dans ses nouvelles fonctions. La battue est précise et énergique, l'engagement patent, l'attention aux chanteurs indubitable. Elle ne parvient toutefois pas à éviter lors de cette première plusieurs flottements rythmiques et décalages avec le plateau, notables surtout en début de spectacle, ni à doser plus efficacement la puissance de l'orchestre sans couvrir certains chanteurs. La délicatesse de cette comédie lyrique française lui conviendrait-elle moins que les paroxysmes postromantiques allemands de Der Traumgörge de Zemlinsky qu'elle a dirigé ici avec brio en octobre 2020 ? L'orchestre ne se montre pas non plus sous son meilleur jour. Soucieux peut-être de sonner avec clarté et transparence « à la française », il perd en homogénéité et en cohésion avec des cordes peu vibrées et sèches. Rien toutefois susceptible de remettre en cause l'évidente réussite du spectacle particulièrement fêté par le public.

Crédits photographiques : (Jacqueline), (Maître André) / (Clavaroche),  (Jacqueline) © Jean-Louis-Fernandez

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