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Mayerling à Garnier : une entrée au répertoire attendue et désirée

Mayerling de entre au répertoire de l'Opéra national de Paris, ce qui est un évènement à plusieurs titres. Ballet narratif par excellence, il nécessite des danseurs de premier ordre en raison d'une écriture chorégraphique extrêmement athlétique. Une entrée au répertoire parfaitement réussie qui permet à de nombreux danseurs de faire montre de leur talent.

Créé en 1979 par le Royal Ballet de Londres (dont il existe plusieurs captations dont celle avec Irek Mukhamedov, ce dernier étant depuis trois ans Maître de ballet à l'Opéra de Paris), Mayerling de aurait dû entrer au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris au cours de la saison 2019-2020. Le contexte social et sanitaire l'année suivante en auront décidé autrement, repoussant les représentations jusqu'en cette fin d'année 2022.

Par ailleurs, l'attente était longue depuis quelques saisons où l'inflexion de la direction de la danse regardait vers un répertoire plus contemporain, avec des soirées plus courtes et des ballets abstraits. Autant dire qu'un ballet de trois actes sur une trame narrative mélodramatique devenait aussi rare que les grands classiques du répertoire ! Toutefois, la nomination de José Martinez en tant que Directeur de la danse, en ce tout début de série de représentations de Mayerling, peut laisser rêver d'ici 2025 à un équilibre artistique dans la composition des saisons qui raviront tous les spectateurs.

Mayerling est le sixième ballet de à entrer au répertoire du Ballet de l'Opéra. Il fait pendant à l'Histoire de Manon, qui sera également repris en fin de saison, tant sur le plan dramaturgique que sur le plan de la chorégraphie. La construction en trois actes, le découpage entre les scènes de corps de ballet et les pas de deux, l'alternance entre la virtuosité de scènes purement dansées et l'avancée narrative concourent à la définition du ballet narratif par excellence. L'écriture de MacMillan reste toutefois extrêmement athlétique nécessitant des danseurs de premier ordre.

se saisit du rôle écrasant du Prince Rodolphe avec une énergie remarquable. Qu'il joue l'indifférence avec la Princesse Stéphanie au premier acte ou soit en attente éperdue d'affection de la part de sa mère, l'Impératrice Elizabeth, les contrastes du personnage sont plutôt bien marqués dans les premiers tableaux, jusque dans un tableau à la taverne où il se montre extrêmement souriant et enthousiaste. Le physique héroïque et de grande hauteur du danseur étoile s'impose sur scène et se développe. Ceci explique plus difficilement les changements du Prince Rodolphe qui sombre dans la noirceur quand celui-ci s'injecte de la morphine, dégingandé sur une chaise devenue trop petite. Mais est un partenaire de premier ordre depuis ses débuts et sa puissance semble ne jamais se tarir jusque dans un pas de deux final éprouvant mais finalement mené très vaillamment. C'est grâce à une solaire, comme toujours surprenante dans les rôles de composition (et quel parcours depuis Onéguine !) que la névrose du Prince Rodolphe trouve un écho aussi pathologique en la personne de Marie Vetsera. La danseuse est en totale confiance en son partenaire, ce qui permet une réelle complicité dans ce couple qui danse ensemble depuis longtemps.

 

Le ballet permet également à de nombreux danseurs de faire montre de leurs talents. est une impératrice parmi les danseuses, elle est ici la danseuse Impératrice Elisabeth. Tant au niveau de son port de tête, de son maintien noble et grave que de sa maturité artistique, , avec les moyens techniques dont elle dispose actuellement, est autant d'une froideur impeccable envers son fils que d'une ardeur avec son amant, le très efficace Jérémie-Loup Quer en Colonel Bay Middleton. est une entremetteuse veule mais qui finalement tente de garder un soupçon d'amour de son ancien amant qui s'éloigne d'elle inexorablement. est une Princesse Stéphanie manipulée par le pouvoir, d'une fragilité dépassée par la violence d'un mari violent et suicidaire. reste une danseuse solide à qui la gouaille et l'effronterie de Mizzi Caspar conviennent habilement. est un Bratfisch indolent et qui doit gagner en brillance dans les passages de brio pour offrir le contrepoint drolatique à la gravité de Rodolphe.

Cette nouvelle production s'accompagne de l'exceptionnel travail des ateliers de l'Opéra de Paris. C'est absolument sublime. Les costumes sont nombreux, extrêmement ouvragés, avec une distinction rare et des finitions impeccables. Les maquillages, les perruques, les lumières autorisent toutes les plongées dans un XIXe impérial. Les nombreux tableaux permettent de dévoiler des intérieurs de palais somptueux, des forêts sombres et majestueuses, des repaires intimistes de plaisir lubrique. Les effets avec les rideaux de scène sont impressionnants, renouant avec la tradition parfaite des conventions théâtrales.

Enfin, la partie musicale est un patchwork d'œuvres de . L'orchestre de l'Opéra de Paris s'en saisit en apportant de la chatoyance dans les cordes mais de la tonitruance dans les cuivres, ce qui est finalement plutôt satisfaisant pour du ballet.

C'est donc une entrée au répertoire parfaitement réussie, qui permet d'attendre beaucoup des prochaines distributions et de celles qui seront proposées dans les saisons à venir, à l'occasion d'une nouvelle programmation du ballet.

Crédit photographique : , © Ann Ray / Opéra national de Paris

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