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Les prémices du grand opéra historique avec les Abencérages

Avec ce 34e volume de la collection « Opéra français », le Palazzetto Bru Zane continue son exhumation musicale avec une œuvre luxueuse, portée par des étoiles montantes du chant lyrique et une collaboration solide avec le chef .

Ce livre-disque consacré à l'opéra de Les Abencérages, compositeur italien ayant grandement contribué à l'histoire de l'opéra français que certains connaissent mieux grâce à Médée ou Lodoïska, présente la version enregistrée la plus complète de l'ouvrage (pas moins de 3 heures de musique), même s'il a été fait le choix d'extraire certains ballets. Alors que ce projet est présenté comme le « premier enregistrement mondial sur instruments historiques », l'œuvre a toutefois suscité l'attention de plusieurs interprètes dans des versions diverses, chantée en italien sous la direction de Carlo Maria Giulini (Andromeda, 1957), ou encore le dernier enregistrement datant de 1975 sous la direction de Peter Maag dans une version bien plus courte (2 heures de musique).

Tel un roman historique, la trame du livret d'Étienne de Jouy se déroule dans une Espagne vaincue par les Maures. Cherubini traduit donc en musique avec finesse un Orient hispanisant tandis que la puissance orchestrale fait revivre les batailles épiques, et bien sûr l'amour avec complots, querelles familiales et une fin heureuse. Aux prémices du grand opéra français, Les Abencérages affirme une grandeur orchestrale rehaussée de subtiles couleurs instrumentales.

Il est assez logique qu'un spécialiste du baroque en la personne du chef d'orchestre prenne la tête de cet enregistrement, et encore plus lorsque l'on connaît ses précédentes collaborations avec le Centre de Musique Romantique Française : la Phèdre ressuscitée de Jean-Baptiste Lemoyne, et l'Adrien d'Etienne-Nicolas Méhul. Armé de deux formations dont il est le fondateur, l' et le , le chef offre une direction grandiose et un lyrisme implacable pour faire briller le style de l'écriture de Cherubini par une solidité sans faille de ces instruments historiques. La justesse des contrastes caractérise au mieux la puissance orchestrale dans une direction fluide et cohérente de bout en bout. La brillance et la noblesse distinguent le chant des choristes, les chœurs étant l'une des forces de cet opéra.

Même si l'intrigue ne démarre véritablement qu'à la fin de l'acte I, le duo amoureux détient des atouts des plus séduisants : Anaïs Constant en Noraïme affirme un timbre clair et une diction limpide qui ne manque ni de vigueur ni de sensibilisé ; à ses côtés, sous les traits du général Almanzor, maîtrise la prosodie de notre répertoire national avec un phrasé gracieux et une douceur séductrice agrémentée des aigus chatoyants du ténor.

Le perfide vizir Alémar est dessiné à gros traits par un soit linéaire, soit quelque peu caricatural, son baryton détenant peu la noirceur propre à exprimer la vengeance de son personnage. Les deux complices Philippe Nicolas Martin (Kaled) et (Alamir) se complètent dans un duo efficace.

Parmi les rôles plus en retraits, notons la densité du timbre sombre de (Abderam) qui maitrise parfaitement notre langue, ainsi que la légèreté du ténor Artayazd Sargsyan (Gonzalve, Troubadour) qui se démarque par son agilité vocale. (Octaïr/Héraut d'armes) et (Egilone) complètent cette distribution vocale homogène.

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