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Ciboulette à Saint-Etienne : quel bonheur

Quel bonheur, oui, quel bonheur de retrouver sur nos scènes des distributions intégralement françaises, cocorico, dont la qualité n'a rien à revendiquer à une réunion de chanteurs internationaux !

La distribution internationale dans une œuvre française, c'est comme la nourriture du même nom dans les restaurants situés hors de l'hexagone. C'est parfois bon, surtout quand la maison est cotée, mais c'est souvent insipide, sans odeur et sans saveur, il y manque le tour de main, les façons de faire apprises auprès des anciens, la génétique, en somme ! Et puis, pensons au bilan carbone de tous ces déplacements autour de la planète !

Après la tornade Rolf Liebermann, qui ringardisa il y a une quarantaine d'année, avec bien des raisons, le système des troupes françaises, on désespérait que chance soit donnée à nos petits chanteurs bien de chez nous. Or, depuis peu, ils se multiplient, croissent, et investissent de leur talent les maisons d'opéra. Ceci n'est pas une ode au protectionnisme, un geste abominable de quenelle, mais la satisfaction d'entendre de fort belles voix, de savoir que leur carrière n'est pas compromise par leur pays de naissance, dans leur pays de naissance… Ce qui permet, sans doute, de redonner vie à des opéras comme cette Ciboulette, tombée en désuétude depuis si longtemps qu'on n'en connaissait plus la moindre note…

Sur l'œuvre, on en dira à peine plus que lors de sa présentation à l'Opéra-Comique en février dernier , charmante, plus complexe qu'on n'y pense au premier abord, et reprenant à son compte bien des influences de l'entre deux guerres, ainsi que des réminiscences, voire des hommages, au grand répertoire. Sur la scène de l'Opéra de Saint-Étienne, les décors façon Baltard ou vieilles photos sépias sont magnifiques, néanmoins trop sombres, au point de ne pas toujours pouvoir les distinguer. Mais quelle fraîcheur, quel allant, quel humour, dans cette mise en scène qui refuse tout effet facile ! Comme tout le monde, on a ri à la prestation de en improbable diva, écho de son Récital emphatique. Notons qu'il s'agit probablement de la première fois qu'un metteur en scène vient saluer vêtu d'une magnifique robe à panier vert émeraude ! En joli clin d'œil, , directeur de l'Opéra-Comique et Deschien devant l'éternel, lui donne une hilarante réplique.

Mais comme on l'a dit en introduction, la distribution est le véritable miracle de la soirée. est merveilleuse dans les multiples facettes du rôle-titre, passant sans efforts de la chanson de corps de garde au romantisme le plus tendre. est comme toujours impeccable en génie bienfaiteur, avec une voix profonde qui fait songer au son d'un violoncelle, et d'émouvants accents mélancoliques quand il se souvient de sa jeunesse de Bohème, sous le nom de Rodolphe. est adorable en amoureux maladroit, et un excellent acteur comique. est presque trop charmante pour incarner une peste comme Zénobie, parfaitement appariée à son séducteur . , , et , remplaçant la regrettée Bernadette Lafont, sont impayables dans les seconds rôles de caractère. De tous, on retiendra l'excellence de la diction.

Comme à son habitude, l'orchestre, sous la direction de , est parfait.

Crédit photographique : Charly Jurine / Opéra Théâtre de Saint-Étienne

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