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Des Noces presque de référence, par Nézet-Séguin

Après Don Giovanni, L'Enlèvement au Sérail et Cosi fan Tutte, le chef canadien réunit autour de lui une brochette de stars pour cette nouvelle version des Nozze di Figaro de Mozart captée lors du concert de gala de fin de saison du Festspielhaus Baden-Baden.

De l'avis de tous les chanteurs d'opéra, Le Nozze di Figaro de Mozart est le mieux écrit pour la voix. Rien dans l'écriture vocale qui ne soit impossible à chanter. Tout se trouve confiné dans le registre de chaque voix. Pas d'extrêmes graves, ni d'aigus stratosphériques. Du velours ! Sauf que c'est Mozart. Et la musique de Mozart est si évidente de simplicité qu'il reste un écueil terrible pour qui ne possède pas une technique vocale sans faille.

Aussi, pour un enregistrement qu'on pourrait espérer de référence, on ne doit pas lésiner sur la distribution. On prend donc les meilleurs du moment, des stars. Brochette de stars ? Plutôt si on considère que, dans ce nouvel enregistrement, même les plus petits rôles sont tenus par des vedettes. D'antan parfois mais vedettes quand même. Ainsi, on retrouve la mezzo chantant Marcellina, le ténor en Don Basilio, le maître de musique, et dans le rôle de Don Curzio. Des figurations honnêtes mais certainement pas bouleversantes. Tout au plus dans les « petits » rôles, on remarquera la très belle présence de la soprano suisse (Barbarina) dont nos lignes avaient déjà relevé le talent s'affirmant lors du ballet Carmina Burana à Genève en mai dernier.

Avec la soprano allemande (Susanna), c'est la confirmation d'un talent dont nous avions fait l'éloge lors d'un Aci Galatea e Polifemo de Händel à Paris en 2010. Ici, la simplicité de son chant alliée à la légèreté de l'expression musicale en fait une Susanna de rêve. Techniquement parfaite, possède cette imperceptible acidité de l'aigu qui n'est pas sans rappeler une certaine Lucia Popp, comme le soulignait notre collègue Pierre Degott.

À lui donner la réplique, le baryton (Figaro) déjà remarqué dans son interprétation de Leporello dans le Don Giovanni de Baden-Baden en 2012, confirme ici son autorité vocale dans les rôles mozartiens.

Nous aurons plus de réserve quant à l'interprétation de la soprano (La contessa di Almaviva). Si la voix de la soprano russe est d'une grande beauté, elle n'est cependant pas idéale pour les besoins d'une telle partition. Sa voix ample peut avoir la noblesse du ton, le legato nécessaire, elle n'en est pas moins la Comtesse. Il y a chez la « tébaldienne » une certaine lourdeur qui ne convient pas à Mozart.

Et que penser de la prestation de (Almaviva) ? Grâce à la mémoire vocale des airs qu'il a chantés et rechantés durant toute sa carrière, il donne, sur ce point, une interprétation des plus acceptables. La réalité de sa voix d'aujourd'hui émerge dans les récitatifs où elle apparait très abimée, détimbrée, totalement différente de celle des arias. Comme si on avait engagé un chanteur pour les arias et un autre pour les récitatifs.

Quant à (Cherubino), elle semble se chercher. Certes, elle chante correctement mais rien de particulier ne vient colorer son personnage.

Dans la fosse, le chef canadien insuffle une belle énergie à un enthousiaste et incisif. De la belle ouvrage ! Dommage que deux des protagonistes principaux aient été mal choisis car cet enregistrement aurait pu figurer parmi les versions de référence du titre.

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