Le concert « Chantons, dansons, faisons tapage » est à la fois représentatif des aléas qui frappent les salles de spectacles en cette sombre période de pandémie, mais aussi de l'extraordinaire vitalité de l'Opéra Comique.
La salle Favart avait en effet prévu une reprise du Fantasio de 2017 pour les fêtes de fin d'année. Les normes sanitaires ayant eu raison de ce projet, il fut décidé de maintenir l'engagement des artistes concernés pour un concert sans public diffusé sur France 5, et disponible en replay pendant une semaine.
Le thème sous-jacent est donc celui de la tristesse des salles vides, dans lesquelles plus aucun applaudissement ne résonne. C'est pour cette raison que le grand finale de tradition, qui réunit toute la troupe, n'est pas un joyeux cancan, mais l'épilogue frémissant d'espoir de renouveau des Contes d'Hoffmann, « des cendres de ton cœur ». De la même façon, pour sa mise en espace, Thomas Jolly a imaginé l'incrustation sur écran de paroles extraites du morceau interprété sur scène, afin d'en appuyer le sens. Pour être tout à fait honnête, on est resté plutôt dubitative, le choix de certaines phrases ne nous paraissant pas si évident. À part ce dispositif, le travail du metteur en scène consiste essentiellement à régler les déplacements des protagonistes sur la fosse couverte, et préparer un fondu au noir peuplé de flocons de neige pendant les transitions. Lors des extraits de Fantasio, les chanteurs revêtent leurs costumes, forcément disponibles.
Mais il existe un autre thème à ce concert : celui de la vigoureuse résilience d'un genre et de sa maison la plus représentative, depuis des siècles. La plupart des œuvres présentées sont en effet choisies dans le répertoire de l'Opéra Comique.
Parmi les interprètes, on notera la talentueuse Marianne Crebassa dans une frémissante « Ballade à la lune » de Fantasio, ainsi que la habanera de Carmen légère et sans vulgarité. Elle se joint à l'adorable Jodie Devos pour le « duo des fleurs » de Lakmé, un véritable moment d'apesanteur. La soprano nous régale également de la romance d'Elsbeth de Fantasio, et, en compagnie de François Rougier, du duo de Roméo et Juliette de Gounod « Ange adorable », d'une grande fraîcheur.
Jean-Sébastien Bou campe un Hamlet intelligemment nuancé dans son air « comme une pâle fleur », et un Nilakantha (« Au milieu des chants d'allégresse » – Lakmé) autoritaire et bien timbré, mais aussi un Calchas très présent dans le trio patriotique de la Belle Hélène, en compagnie de Quentin Desgeorges et de Franck Leguérinel, ce dernier toujours aussi hilarant. Il est d'ailleurs dommage qu'il ne participe qu'à des ensembles, outre celui cité plus avant, le trio de la Vie Parisienne qui bien entendu confirme sa vis comica, « Jamais foi de Cicérone », avec Yoann Le Lan et Jodie Devos, parfaitement à l'aise dans le registre comique.
La ballade de Mab (Roméo et Juliette – Gounod) est crânement assumée par Virgile Frannais, un tout petit peu hors de sa portée cependant. Anna Reinhold n'émeut guère dans l'extrait de Cinq-Mars de Gounod, quant au Frantz des Contes d'Hoffmann de Flannan Obé, il est carrément insuffisant. Enfin, Philippe Estèphe mène à bon port ce qui a pu être sauvé de Fortunio, en animant la « chanson des fous ».
Qui d'autre que le fin connaisseur de la musique française Laurent Campellone pouvait diriger un tel florilège ? Outre l'accompagnement parfait des morceaux précités, l'Orchestre de chambre de Paris fait preuve, dans l'ouverture de Zampa et surtout le prélude de l'acte III de Carmen, d'une élégance sans faille.
Le chœur Aedes fait montre d'une délicatesse et d'une beauté infinies dans les morceaux a cappella qui lui sont réservés, des extraits de Figure Humaine de Francis Poulenc et Calme des nuits de Camille Saint-Saëns.