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Il Pirata de Bellini, pour Javier Camarena et Marina Rebeka

Belle brochette de chanteurs belcantistes pour un opéra rarement donné au disque. et défendent corps et âme un rôle qui leur va comme un gant.

Quand on pense au nombre de versions de Norma, La sonnambula ou I Puritani, on peut raisonnablement s'étonner que Il pirata n'ait pas eu davantage les faveurs du disque. Et qu'on ne vienne pas nous dire que le live de , ou la version studio de , soient des enregistrements indétrônables. Nos divas y sont trop mal entourées pour que l'on puisse soutenir un tel argument.

Les versions apparues depuis lors – on compte celle qui fit autrefois connaître , une autre dont le meilleur atout est notre national – n'ont pas véritablement fait date. Sans doute est-ce la difficulté de la partie de ténor, écrite à l'intention du grand Giovanni Battita Rubini, qui explique les réticences de nos programmateurs à se risquer à graver dans la cire un ouvrage écrit pour un type de voix dont le modèle s'est considérablement raréfié avec l'évolution de l'écriture vocale au XIXᵉ siècle. Pavarotti, Gedda et Kraus ne l'ont pas tenté, Flórez y serait aujourd'hui idéal.

est absolument époustouflant dans cette tessiture élevée, et il se rit des difficultés d'une partition qu'il défend avec ardeur. Le timbre n'a peut-être pas la beauté naturelle de celui de Flórez, mais le ténor mexicain n'a rien à envier à son homologue péruvien pour ce qui concerne la tenue de la ligne ou la souplesse de la vocalise. En termes d'engagement dramatique, peut-être est-il même préférable à son aîné. Il est en tout cas la vraie raison d'être de cet enregistrement, qui bénéficie certes d'autres atouts.

On comptera parmi ces derniers le baryton propre et net de , bête de scène que l'on entend malheureusement trop rarement au disque. On aime ce chant sobre et racé prêté à un personnage qui a la pudeur de taire ses souffrances.

À échoit la redoutable tâche de faire oublier Callas et Caballé dans leurs interprétations de référence. Elle n'y parvient pas tout à fait, tant sont magnétiques ses deux devancières, la première par le pouvoir incantateur de l'incarnation, la deuxième par la beauté intrinsèque de son chant. La cantatrice lettone ne s'en affirme pas moins comme une des meilleures belcantistes du moment, capable des élans de colorature dramatique les plus emportés comme du chant spianato le plus raffiné. On a plaisir à entendre un chant aussi riche en couleurs et aussi plein en termes de matériau vocal.

Quand on ajoutera que les comprimarii sont à la hauteur des enjeux, et que l'orchestre et les chœurs de Catania, sous la baguette de , font tout pour défendre un chef d'œuvre négligé de l'enfant du pays, on comprendra que nous avons là un enregistrement qui fera date (lauréat des ICMA 2022). On s'était habitué à ce que les opéras du répertoire s'absentent des studios d'enregistrement, nos producteurs d'aujourd'hui préférant les captations vidéo diffusées de plus en plus souvent. On se réjouit de cette exception fort bienvenue.

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