À Chaillot, Mehdi Kerkouche signe une pièce sombre magnifiquement interprétée
Dans une mise en scène originale, le chorégraphe Mehdi Kerkouche signe à Chaillot – Théâtre national de la danse un nouveau spectacle, 360, beaucoup plus sombre que ses précédents opus.

Une tour métallique sur deux étages. Des danseurs qui sortent un par un du public réparti debout tout autour de cette scène, puis s'installent à égale distance sur les bords du plateau métallique, face au public. D'un coup, les huit danseurs passent de l'immobilité à des rebonds synchronisés. Une fois ce mouvement installé, les têtes tournent, toujours ensemble, les bras se lèvent. Et puis le rythme de la musique électro de Lucie Antunes s'accélère jusqu'à une cadence folle tandis que les mouvements se complexifient.
Avec cette création intitulée 360, l'ambition de Mehdi Kerkouche, artiste pluridisciplinaire, fondateur de la compagnie EMKA et directeur du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne, est » d'impliquer le public dès le début du spectacle dans un espace sans gradins, pour une expérience aussi proche que possible de celle des artistes… Les spectateurs alterneront entre le rôle d'observateur et de participants, cherchant à se connecter aux artistes pour répondre à la question : qu'est-ce qui nous rend vivant ? »

En réalité, le public participe peu à cette sorte de rave-rage urbaine postmoderne, voire postapocalyptique. Les talentueux danseurs donnent tout ce qu'ils ont, allant jusqu'au bout de l'effort, comme cette danseuse qui court inlassablement autour de la structure métallique jusqu'à en perdre haleine, et délivrent des solos éblouissants comme autant de battles. Ainsi, le long corps dégingandé du danseur Matteo Lochu devient aérien et insaisissable tant ses bras bougent vite et ses mouvements sont spectaculaires.
Mehdi Kerkouche arrive à sortir le meilleur des danseurs, en utilisant leurs singularités, mais la pièce reste sombre, violente parfois, lorsque les danseurs se battent deux par deux sur une musique assourdissante et un jeu de lumière étudié, passant du blanc au rouge par moment. Cette violence à fleur de peau éclate régulièrement ou est à peine contenue, ressemblant parfois à la folie. Peut-être celle liée à l'enfermement ? À la privation de liberté ou à la période anxiogène ?
Si les huit danseurs de 360, issus de divers horizons artistiques, réussissent à s'accorder et à livrer des ensembles quasi parfaits, il semble que l'objectif de Mehdi Kerkouche de « créer une ode à l'échange, à la rencontre et à l'expérience collective, un voyage sensoriel qui nous rappelle la force de notre unité dans un monde en mouvement » reste un tantinet théorique tant l'ombre et la noirceur dominent la lumière dans ce spectacle qui sera en tournée dans les prochains mois.









