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À Genève, être ou ne pas être… Maurice Béjart

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Genève. BFM (Bâtiment des Forces Motrices). 16-X-2025.
Hamlet, ballet de Valentina Turcu d’après la pièce éponyme de William Shakespeare. Musiques de Max Richter, Muse et Cigarettes after Sex. Chorégraphie : Valentina Turcu assistée de Tamás Kristóf Darai. Costumes : Henri Davila. Avec Oscar Eduardo Chacón, Hamlet ; Julien Favreau, Roi Hamlet, Solène Burel, Gertrude ; Jerominas Krivickas, Claudius ; Min Kyung Lee, Ophelia ; Oscar Frame, Laërte ; Angelo Perfide, Polonius ; Zsolt Kovacs, Horatio ; Hideo Kishimoto, Rosenkrantz ; Kwinten Guilliams, Guildenstein : Masayoshi Onuki, El Sinor.

Béjart et nous. Extraits de ballets de Maurice Béjart. Musiques de Igor Stravinsky, Gerardo H. Matos Rodriguez, Johann Strauss II, Wolfgang Amadeus Mozart, Dibouk trad., Golestan trad., Hugues Le Bars, Johann Strauss, Jacques Brel, Thierry Hochstätter, Jean-Bruno Meier. Chorégraphies : Maurice Béjart.
Avec, pour :
Concerto pour violon et orchestre en ré, 4ème mouvement (1982) : Solène Burel, Oscar Frame, Dorian Browne, Andrea Luzi, Ohla Skrypchenko, Emma Foucher, Min Kyung Lee, Clara Boitet, Ana Ksovrell, Carolina Fregnan, Floriane Pigeon, Bianca Stoicheciu, Jule Dutschmann.
Notre Faust (1975) : Cyprien Bouvier, Angelo Perfido.
Trish trash () : Konosuke Takeoka.
Mozart (1997) : Jules Deutschmann, Edoardo Boriani, Bianca Stoicheciu, Dorian Browne, Daniel Ramsay, Floriane Bigeon, Kwinten Guillams, Min Kyung Lee.
Golestan (1974) : Zsolt Kovacs, Federico Matetich, Antoine Le Moal et tous les garçons.
Dibouk (1987) : Jasmine Cammarota, Dorian Browne.
Arepo (1986) : Clara Boitet, Hideo Kishimoto.
Wien, Wien, nur du allein (1982) : Solène Burel, Oscar Frame, Ohla Skrypchenko, Bianca Stoicheciu, Angelo Perfido, Masayochi Onuki, Federico Matetich, Antoine Le Moal, Andrea Luzi, Carolina Fregnan, Jule Dutschmann, Zsolt Kovacs, Ana Ksovrell.
Brel et Barbara (2001) : Elisabet Ros, Min Kyung Lee, Kwinten Guilliams.
Batucada (2007) : La compagnie.

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Un théâtre du Bâtiment des Forces Motrices bondé pour répondre à l'appel de Julien Favreau, le nouveau directeur artistique du conviant le public à deux visions contrastées des émergences artistiques de la vénérable institution de la danse.

Si le talent et l'engagement des danseurs du suscitent l'admiration et le respect, force est de constater que le génie ne se partage pas. Il y a plus d'émotions dans trois petits pas d'une chorégraphie de que dans une heure de ceux de . En extrapolant les mots d'Hamlet, le héros malheureux de Shakespeare, on pourrait se projeter en disant : « Etre ou ne pas être… . » En imaginant plaquer le théâtre shakespearien de Hamlet dans l'idiome de la danse, se fourvoie dans un discours dramatique s'envolant au fil des sauts, des portés, des pas de deux et des acrobaties. Rien à redire du côté des danseurs qui ne se ménagent aucunement et démontrent une maîtrise époustouflante de leur art. Mais, avec des personnages aussi peu caractérisés, on perd vite le fil de l'intrigue. Quasiment tous vêtus de costumes identiques, impossible de distinguer Claudius de Laërte, Polonius d'Horatio, ou Rosenkrantz de Guildenstern. Quand bien même ces personnages sont satellitaires de l'intrigue qui entourent Hamlet, sa mère Gertrude, sa future épouse Ophélie ou du roi, son oncle, en danseurs, ils s'expriment à l'égal des principaux acteurs du drame. Alors, ne saisissant plus les enjeux séparant les différents protagonistes, on se contente d'en admirer les sauts, les pas, les glissades, les courses, les gestes. De ce côté, on est servi. Tout ce qui existe dans les techniques de la danse nous est offert. Alors, on regarde celui-ci. On scrute cet autre. Mais le temps devient long. Et ce ne sont pas les musiques électroniques suggestivement terrifiantes de , ou celles du groupe rock Muse ou encore de Cigarettes after Sex qui amènent un éclairage salutaire à la compréhension du propos dramaturgie de . Certes, on assiste à de très beaux portés, à d'impressionnants sauts, à de beaux duos, mais pour quoi nous raconter ? Dommage, parce que chacun se donne sans compter. En particulier, la Coréenne (Ophélia) qui s'illustre admirablement par un sens de l'expressivité corporelle parfaitement intégrée aux situations auxquelles elle est confrontée.


Après l'entracte, sous le titre évocateur Béjart et nous, le offre un aperçu des chorégraphies parmi les plus emblématiques de son fondateur. D'emblée on se sent transporté dans un monde de rêve, d'espace, de respiration profonde et embaumée. Après une symphonie en jaune à la chorégraphie assez sage sur la musique du Quatrième mouvement du Concerto pour violon et orchestre d'Igor Stravinsky, le son de la Cumparsita éclate soudain, éclairant deux danseurs qui, happés par les accents de ce tango, unissent leurs gestes dans une démonstration savoureuse d'entente parfaite, de combinaisons de pas les faisant s'entrecroiser avec des effets inattendus de bras qui s'allongent démesurément, de têtes qui oscillent en formant des images insolites de ces deux corps qui s'entremêlent sans se toucher. Dès que la musique cesse, la scène offre le noir complet, comme un écran de télévision qu'on vient d'éteindre, et immédiatement le public exulte. A peine le temps de se remettre, que le danseur japonais , intégré au Béjart Ballet Lausanne depuis 2022, se lance dans une danse endiablée et déjantée sur la fameuse Trish trash polka de Johann Strauss II. Et à chaque fois, c'est un délire de bravos du public. Après un sublime et émouvant Adagio du Concerto pour violon et orchestre n°3 de Mozart « violonné » de manière très inspirée par , dont la présence incroyable en fait l'idole de la soirée alors que les autres membres virevoltent avec une évidence déconcertante, le salut, ovationné de tous regroupés comme un seul faisceau, signe, jusqu'au tout dernier souffle, la perfection de l'œuvre.

Comment ne pas s'émerveiller sur Dibouk, pas de deux aux sons de musique kletzmer, par et terminant leur danse dans une position improbable de leur corps (signature de l'humour de ?). Avec un extrait de Wien, Wien, nur du allein, Béjart nous enseigne qu'on peut danser les valses viennoises de plus belle manière que celles, kitch, infligées par la télévision chaque premier de l'An ! Autre moment d'intense émotion, l'incontournable Ne me quitte pas de dansé par , la créatrice du rôle lors de la première de Brel et Barbara à Lyon en 2001. Pas une ride. Ni dans la chorégraphie, ni dans la prestation. Vingt-cinq ans de longévité dans une discipline artistique de cette intensité. Peut-être qu'en dehors de la performance d', cela signifie-t-il que le Maître, dans les inévitables exigences de ce métier, n'exigeait de ses solistes que ce qu'ils savaient et pouvaient faire et non ce qu'il voulait leur faire faire ! Un dernier regard à avec un très beau et sensible Quand on n'a que l'amour que sublime en compagnie d'un prévenant Kwinten Guilliams. Un effréné final de toute la troupe dans un Batucada aux résonances de carnaval brésilien précède un salut final de très grande élégance, d'une classe toute béjartienne, où tous les danseurs assis par terre, se lèvent, deux par deux, saluent respectueusement avant de se rasseoir. Merci Monsieur Béjart !

Crédit photographique : BBL © Gregory Batardon

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Genève. BFM (Bâtiment des Forces Motrices). 16-X-2025.
Hamlet, ballet de Valentina Turcu d’après la pièce éponyme de William Shakespeare. Musiques de Max Richter, Muse et Cigarettes after Sex. Chorégraphie : Valentina Turcu assistée de Tamás Kristóf Darai. Costumes : Henri Davila. Avec Oscar Eduardo Chacón, Hamlet ; Julien Favreau, Roi Hamlet, Solène Burel, Gertrude ; Jerominas Krivickas, Claudius ; Min Kyung Lee, Ophelia ; Oscar Frame, Laërte ; Angelo Perfide, Polonius ; Zsolt Kovacs, Horatio ; Hideo Kishimoto, Rosenkrantz ; Kwinten Guilliams, Guildenstein : Masayoshi Onuki, El Sinor.

Béjart et nous. Extraits de ballets de Maurice Béjart. Musiques de Igor Stravinsky, Gerardo H. Matos Rodriguez, Johann Strauss II, Wolfgang Amadeus Mozart, Dibouk trad., Golestan trad., Hugues Le Bars, Johann Strauss, Jacques Brel, Thierry Hochstätter, Jean-Bruno Meier. Chorégraphies : Maurice Béjart.
Avec, pour :
Concerto pour violon et orchestre en ré, 4ème mouvement (1982) : Solène Burel, Oscar Frame, Dorian Browne, Andrea Luzi, Ohla Skrypchenko, Emma Foucher, Min Kyung Lee, Clara Boitet, Ana Ksovrell, Carolina Fregnan, Floriane Pigeon, Bianca Stoicheciu, Jule Dutschmann.
Notre Faust (1975) : Cyprien Bouvier, Angelo Perfido.
Trish trash () : Konosuke Takeoka.
Mozart (1997) : Jules Deutschmann, Edoardo Boriani, Bianca Stoicheciu, Dorian Browne, Daniel Ramsay, Floriane Bigeon, Kwinten Guillams, Min Kyung Lee.
Golestan (1974) : Zsolt Kovacs, Federico Matetich, Antoine Le Moal et tous les garçons.
Dibouk (1987) : Jasmine Cammarota, Dorian Browne.
Arepo (1986) : Clara Boitet, Hideo Kishimoto.
Wien, Wien, nur du allein (1982) : Solène Burel, Oscar Frame, Ohla Skrypchenko, Bianca Stoicheciu, Angelo Perfido, Masayochi Onuki, Federico Matetich, Antoine Le Moal, Andrea Luzi, Carolina Fregnan, Jule Dutschmann, Zsolt Kovacs, Ana Ksovrell.
Brel et Barbara (2001) : Elisabet Ros, Min Kyung Lee, Kwinten Guilliams.
Batucada (2007) : La compagnie.

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