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Rameaumania à Beaune: Dardanus par Emmanuel Resche-Caserta

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Beaune. Basilique Notre-Dame. 19-VII-2025. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Dardanus, tragédie lyrique en un prologue et cinq actes sur un livret de Charles-Antoine Leclerc de La Bruère, d’après les Métamorphoses d’Ovide. Avec : Marie Perbost, soprano (Vénus/une Phrygienne) ; Camille Poul, soprano (Amour/Iphise) ; Reinould Van Mechelen, haute-contre (Dardanus) ; Thomas Dolié, baryton (Anténor) ; Stephan MacLeod, baryton-basse (Teucer/Isménor). Chœur de chambre de Namur (chef de choeur : Thibaut Lenaerts) et Les Ambassadeurs-La Grande Écurie, direction : Emmanuel Resche-Caserta

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Avec Les Ambassadeurs-La Grande Écurie, donne à entendre et même à voir une autre façon de rendre compte de la façon dont le génie de triomphe des livrets les plus improbables de son temps.

Lorsqu'à l'orée des années 80, l'Opéra de Paris lança la Rameaumania, c'est, plutôt qu'une nouvelle version des irrésistibles Indes galantes, qui, dans les années 50, avaient écrit une des belles pages de son histoire, et qui venaient de refaire surface au disque par les parutions conjointes de Malgoire et Paillard, Dardanus que Rolf Liebermann choisit. Et c'est au metteur en scène le plus couru de son ère, Jorge Lavelli, qu'il confia la résurrection de cet opéra aux sombres beautés, qu'après l'échec de sa création en 1739, Rameau avait considérablement remanié (Actes III, IV et V entièrement nouveaux) en 1744, et même en 1760 (abandon du Prologue). Mais Lavelli, dont le Faust, le Pelléas, la Butterfly illuminent encore les mémoires de ceux qui ont eu l'heur d'y assister, se cassa quelque peu les dents sur le problématique (et unique) livret que Charles-Antoine Le Clerc de La Bruère écrivit pour le compositeur. En 2025, en la basilique Notre-Dame de Beaune, on moque encore un scénario corseté, en dépit de toute vraisemblance, par son souci de cocher toutes les cases de la tragédie lullyste : amours contrariées, héroïsme du héros, magie, machinerie, monstre, ballets, scène de Sommeil, fin heureuse. Mais à Beaune, où aucune mise en scène n'est jamais conviée, la Rameaumania continue pour autant de plus belle avec la mirifique direction d'.

, premier violon des Arts Florissants, s'est récemment distingué à la tête de l'ensemble Hemiolia avec l'Atalia de Gasparini. De la réunion bicéphale, en 2020, des jeunes Ambassadeurs fondés en 2012 par Alexis Kossenko et de la vénérable Grande Écurie et La Chambre du Roy fondée en 1966 par le regretté Jean-Claude Malgoire, est né un ensemble attaché à « découvrir les œuvres du passé sous un angle historique souvent à contre-courant des pratiques dominantes ». De la lecture de ce Dardanus annoncé comme « la version inédite du chef-d'oeuvre de Rameau » (il s'agit en fait de la version de mai 1744, suivant la révision du mois d'avril précédant), la caractéristique la plus frappante est l'alliage de l'allant et de la plénitude du son (jusque dans les ouragans et les tonnerres faisant trembler la basilique comme rarement), perceptible dès l'Ouverture, où, comme un elfe, Emmanuel Resche-Caserta impulse à la troisième tragédie lyrique de Rameau un mouvement dansant emportant tout sur son passage (Bruits de guerre, Tambourins, Chaconne…), et dont le souffle haletant ne se tarira qu'à la dernière note. Pour la première fois peut-être l'on ne regrette pas le repli dans la basilique de ce Dardanus initialement prévu dans la Cour des Hospices. De pupitres particulièrement fondus, émergent des cordes absolument magnifiques. Toujours au violon ce soir, mais debout à la place centrale du chef, Emmanuel Resche-Caserta apparaît détendu et sûr de ses effets comme de ses chanteurs, pivotant systématiquement vers eux, dès que l'occasion lui en est donnée, les écoutant passionnément, un sourire aux lèvres : une façon bien à lui de souligner le sublime d'une musique qui possède finalement sa propre dramaturgie.

Pour raconter l'incroyable quiproquo des amours de Dardanus et Iphise (fondateurs de la maison royale troyenne) plongés dans les manigances politiques du roi Teucer (père d'icelle) et jalouses du chef militaire Anténor (rival d'icelui), la plus crédible distribution a été conviée. Accorte Vénus au Prologue, avant d'endosser plus loin le rôle de la Phrygienne, , lumineuse et ample, donne le la de l'ambition vocale, vite rejointe par , exquis Amour autant qu'exquise Iphise. Stephan Mac Leod se partage avec beaucoup de présence entre Teucer et Isménor, incarnant, comme à l'accoutumé, un Anténor de grande classe. Sans surprise, le Dardanus de se révèle une manière d'idéal. Grande prestation du Choeur de chambre de Namur (sensationnel Mars Bellone !), dont l'articulation quasi solistique se rit d'une acoustique qui a submergé plus d'un ensemble.

Si le premier mandat de Maximilien Hondermarck se démarque de ceux d'Anne Blanchard (visites guidées en musique dans la cité, conversations du samedi, dîners, création d'un choeur amateur… mais programme amputé du livret des œuvres), il s'inscrit toujours dans la lignée d'une démarche attachée à révéler en pionnière. Après l'ensemble Les Epopées dirigé par Stéphane Fuget, ultime découverte de la Dame de Beaune, voici la première de son successeur : Emmanuel Resche-Caserta à la tête des Ambassadeurs-La Grande Ecurie un chef avec lequel il faudra assurément compter au sein de l'actuel mirifique univers des ensembles baroques français. La Rameaumania a de beaux jours devant elle.

Crédit photographique : © Ars Essentia

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