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Gand. Vlaanderen Opera Ballet. 21-VI-2025. Alban Berg (1885-1935) : Wozzeck, opéra en 3 actes d’après la pièce Woyzeck de Georg Büchner. Mise en scène : Johan Simons. Décors : Sammy Van den Heuvel. Costumes : Greta Goiris ; Flóra Kruppa. Lumières : Friedrich Rom. Dramaturgie : Maarten Boussery ; Koen Tachelet. Avec : Robin Adams, Wozzeck ; Magdalena Anna Hofmann, Marie ; James Kryshak, Hauptmann ; Martin Winkler, Doktor ; Samuel Sakker, Tambourmajor ; Hugo Kampschreur, Andres ; Lotte Verstaen, Margret ; Reuben Mbonambi, Tobias Lusser, Ouvriers ; Jóhann Freyr Odinsson, Narr. Kinderkoor Opera Ballet Vlaanderen (chef du Chœur d’Enfants : Hendrik Derolez). Koor Opera Ballet Vlaanderen (chef de chœur : Jan Schweiger). Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, direction musicale : Alejo Pérez.
Pour sa mise en scène de Wozzeck à l'Opéra des Flandres, Johan Simons ne cherche pas à réinventer l'un des plus grands chefs-d'œuvre de l'histoire de la musique, mais juste à lui donner toute sa dimension théâtrale, avec un parti pris sur la folie du personnage principal, magnifiquement porté par Robin Adams.
Par rapport à la décennie passée, on ressent dernièrement une prétention moindre à réinterpréter les œuvres dans les mises en scène modernes, même si Wozzeck d'Alban Berg, dont on fête le centenaire cette année, est l'un des ouvrages qui peut s'y prêter. Avec le metteur Johan Simons, l'approche n'est donc pas de renouveler notre vision de l'ouvrage, mais tout simplement d'en faire ressortir toute la puissance dramatique par les chanteurs sur scène.
Resserrée entre des murs blancs à l'angulosité maladive et un sol oblique dangereux, la scénographie de Sammy Van den Heuvel ne change pas pendant toute la durée du livret de Berg, sauf par quelques petits éléments de décors apposés selon les scènes, toutes entrecoupées par la tombée d'un rideau noir. En quinze scènes pendant trois actes, ce rideau se montre parfois trop récurrent ou trop rapidement rabaissé, comme dans la mise en scène de Don Giovanni de Tcherniakov, mais il permet de créer une attente et une forme de curiosité dans les changements apportés lorsqu'il se relève.
D'une manière évidente, Simons contemple la folie humaine dès la première scène, où le Capitaine attend dans une bassine pour se faire raser, dans un décor blanc clinique aux lumières fortes (Friedrich Rom) où Wozzeck va tout de suite utiliser un seau de peinture rouge sang pour en tâcher sa chemise (costumes de Greta Goiris et Flóra Kruppa). L'aliénation et la mort rôdent dès les premiers instants, renforcées à la Scène 4 lorsque le docteur gronde un Wozzeck assis dans une chaise roulante de bébé. En arrière-plan dès l'ouverture de rideau, des enfants jouent, et leur présence parfois gênante accroît la sensation de malaise de l'histoire, notamment pendant l'embrassade (d'ailleurs ici très sage) entre Marie et le Tambour-Major. En haut à gauche du plateau, un tuyau en provenance du haut de la salle fait penser pendant tout le déroulement à une corde de pendu, placée là comme un signe, même si le vrai Woyzeck, inspirateur de la pièce éponyme de Büchner, finit décapité après un long procès pendant lequel son avocat aura tenté de plaider un problème psychiatrique. À l'avant-dernière scène, après le meurtre de Marie, et alors que des lumières rouges avaient à plusieurs reprises annoncé le drame, Wozzeck prend le tuyau et nettoie à l'eau le sang du seau qu'il a fini par se jeter sur le corps (Das Wasser ist Blut…).
Dans cette production finalement littérale mais extrêmement efficace, la dramaturgie (Maarten Boussery ; Koen Tachelet) tient la place la plus importante, et profite pour l'occasion des chanteurs, très engagés dans l'action. Le baryton Robin Adams incarne Wozzeck et s'il ne serait peut-être pas la voix référente au disque, son implication dans la proposition scénique et dans le jeu de la folie en font un splendide interprète du rôle. Sa Marie (Magdalena Anna Hofmann) lui répond parfois avec distance, pour garder le côté froid de la mise en scène, qui, même à l'acte II ne permet pas d'effusion, bien que la soprano puisse faire exploser ses aigus quand elle le souhaite. Sa compatriote Margret (la mezzo Lotte Verstaen) tente d'apporter une forme de bonhommie dans cette histoire qui, quoiqu'elle fasse, finira mal. Mais on lui préfère le docteur ivre de méchanceté de Martin Winkler, ou l'Andres plein de fraîcheur d'Hugo Kampschreur.
Le Tambour-Major de Samuel Sakker et le Capitaine de James Kryshak complètent une distribution parfaitement équilibrée, dont il faut encore citer les deux ouvriers alcoolisés Reuben Mbonambi et Tobias Lusser, et surtout l'excellent fou de Jóhann Freyr Odinsson, très marquant dans son intervention avec un nez de clown. Les enfants du Kinderkoor jouent avec naturel tout au long de l'opéra et sont très bons dans le final, tandis que le Koor Opera Ballet Vlaanderen ressort bien de la scène de la brasserie, puis dans la noirceur de la scène suivante. Mais avant tout, c'est le Symfonisch Orkest qu'il faut louer pour sa participation à la réussite totale de cette soirée. Dirigé par son directeur musical Alejo Pérez, l'orchestre est à lui seul un acteur à part entière, qui reprend la première place à chaque transition, fait exploser les percussions dans les climax de tension, et associe encore plus l'audience dans le drame par le biais de certains sons en provenance des balcons au début, puis de deux violons en corbeille pour faire danser la foule dans la taverne. Après Intolleranza 1960 de Nono en mai, l'Opéra des Flandres montre encore avec cette production de Wozzeck de Berg qu'il est l'une des salles les plus passionnantes actuellement.
Crédits photographiques : © Annemie Augustijns
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