L’accordéon de Fanny Vicens : entre puissance et sensualité
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Aurelio Edler-Copes (né en 1976) : Cantiga pour accordéon et électronique. Pierre Jodlowski (né en 1971) : Something out of apocalypse pour accordéon et électronique. Mayu Hirano (née en 1979) : Instant suspendu pour accordéon et électronique. Carlos de Castellarnau (né en 1977) : Natura morta pour accordéon et live électronique. Jérôme Combier (né en 1971) : Ki-Ka-Pou pour accordéon et électronique. Núria Giménez-Comas (née en 1980) : De l’intérieur pour accordéon et électronique. Alexander Vert : Turn on, Tune in, Drop out pour accordéon et électronique. Fanny Vicens, accordéon. 1 CD Éole Records. Enregistré au Studio Éole en 2021. Texte français/anglais. Durée : 72:00
Éole RecordsAccordéon chromatique et/ou microtonal : Fanny Vicens joue l’un et l’autre avec la même aisance virtuose. Dans ce nouvel album, elle réunit sept pièces qui questionnent le rapport de l’instrument avec la source électronique, selon différentes approches qui se renouvellent d’autant.
Dans Ki-Ka-Pou (2016) de Jérôme Combier, une pièce dédiée à l’interprète, quinze fichiers sons (bruits de métaux, claquements de porte, bribes de voix en russe et en anglais) sont autant d’incrustations dans la matière instrumentale. Ki-Ka-Pou est une danse russe du début du siècle, écho du voyage à Pyramiden, cette ancienne cité minière du monde soviétique dont le compositeur a recueilli les vestiges sonores. Le chant est nostalgique, aux étirements microtonals dont l’électronique vient modifier l’espace et la temporalité. Cantiga (chanson en portugais) est une pièce plus ancienne (2006) du compositeur Aurelio Elder-Copes. L’accordéon s’inscrit sur une partie électronique enveloppante, dans un rapport de figure sur fond et une recherche d’espace et de profondeur qui s’accomplit dans les dernières minutes de la pièce. Dans Natura morta (2014) de Carlos de Castellarnau, les deux sources, instrumentale et électronique, sont tressées, qui se complètent et se contaminent dans un flux de matière mouvant et obstiné ainsi qu’un travail spécifique sur la granulation et le divisionnisme de la matière.
Il existe un « son Jodlowski », immédiatement perceptible dans Something out of Apocalypse (2012), une pièce qui regarde vers l’univers cinématographique (Apocalypse Now) de Coppola. Accordéon et partie électronique (sons fixés et transformation live) sont associés dans une même écriture du geste où l’interdépendance et le mélange organique des deux matières doivent servir un discours musical unique. La voix off légèrement traitée, au mitan de l’œuvre, tend le fil du scénario : musique à haute voltage où le son est toujours actif, la texture nourrie et la tension quasi expressionniste sous les doigts de l’interprète. L’électronique intervient en tant qu’agrandissement du champ spatio-temporel dans Instant suspendu de Mayu Hirano. L’accordéon est au centre du dispositif et dispense la part sensible et frémissante du son avant d’être submergé par la vague électronique qui le recouvre. Dans Turn on, Tune in, Drop out, une pièce de 2017 (qui donne son nom à l’album) d’Alexander Vert, le son de l’accordéon microtonal est traité en direct dans l’esprit de l’ « accordéon augmenté ». Jeux de trames et de boucles, épaississement progressif de la texture et énergie cinétique gorgent une partie instrumentale virtuose que l’électronique démultiplie dans l’espace.
De l’intérieur – notre coup de cœur – de la benjamine de cet album Núria Giménez-Comas invite à l’écoute intime du son de l’accordéon microtonal dont l’outil électronique, en phase avec le jeu de l’accordéoniste, agit en révélateur : battements entre deux fréquences, granulation, souffle, dévoilement spectral (évoquant l’orgue à bouche shō). L’exploration est inventive et délicate, le geste sensible et passionné.
La performance de Fanny Vicens ne l’est pas moins, alliant intelligence du texte, adéquation du geste, énergie du son et déploiement d’un nuancier de couleurs dont l’instrument microtonal exacerbe le potentiel.
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Aurelio Edler-Copes (né en 1976) : Cantiga pour accordéon et électronique. Pierre Jodlowski (né en 1971) : Something out of apocalypse pour accordéon et électronique. Mayu Hirano (née en 1979) : Instant suspendu pour accordéon et électronique. Carlos de Castellarnau (né en 1977) : Natura morta pour accordéon et live électronique. Jérôme Combier (né en 1971) : Ki-Ka-Pou pour accordéon et électronique. Núria Giménez-Comas (née en 1980) : De l’intérieur pour accordéon et électronique. Alexander Vert : Turn on, Tune in, Drop out pour accordéon et électronique. Fanny Vicens, accordéon. 1 CD Éole Records. Enregistré au Studio Éole en 2021. Texte français/anglais. Durée : 72:00
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