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Il Viaggio a Reims à Baden-Baden, Rossini en petit calibre

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Baden-Baden. Festspielhaus. 16-VII-2010. Gioachino Rossini (1792-1868) : Il Viaggio a Reims ossia l’Albergo del Giglio d’Oro, dramma giocoso en un acte sur un livret de Luigi Balocchi. Mise en scène : Alain Maratrat. Décors : Pierre Alain Bertola. Costumes : Mireille Dessingy. Lumières : Pascal Mérat. Avec : Irma Gigolaty, Corinna ; Anna Kiknadze, la Marquise Melibea ; Larisa Yudina, la Comtesse de Folleville ; Anastasia Kalagina, Madame Cortese ; Daniil Shtoda, le Comte de Libenskof ; Dmitry Voropaev, le Chevalier Belfiore ; Edward Tsanga, Lord Sidney ; Nikolai Kamensky, Don Profondo ; Ilya Bannik, le Baron de Trombonok ; Vladimir Moroz, Don Alvaro ; Yuri Vorobiev, Don Prudenzio ; Elena Sommer, Maddalena ; Olga Legkova, Modestina ; Dmitry Koleushko, Don Luigino ; Timur Abdikeev, Antonio. Académie de Jeunes Chanteurs du Théâtre Mariisnky de Saint-Pétersbourg (chef de chœur : Larisa Gergieva) ; Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg ; direction musicale : Valery Gergiev.

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Grand habitué du Festspielhaus de Baden-Baden, y est accueilli cette année en résidence avec son orchestre et sa troupe du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg et assure la majeure partie du Festival d'été.

Après Il Viaggio a Reims, qui ouvrait les festivités, sont programmés le Requiem de Verdi, un concert avec la violoniste Anne-Sophie Mutter et une soirée d'extraits d'opéra de Moussorgski et Wagner, un peu pompeusement intitulée «Stars de l'Opéra».

Ce Voyage a Reims n'est pas une nouveauté. Le Théâtre du Châtelet l'a notamment accueilli dans la même scénographie et avec une distribution presque identique en décembre 2005, production qui a fait l'objet d'une publication en Dvd chez Opus Arte. La mise en scène d'Alain Maratrat n'a pourtant rien d'exceptionnel et se limite pour l'essentiel à un concept scénique, réalisé par Pierre Alain Bertola ; l'orchestre est placé en fond de plateau, logé dans une sorte de cyclorama que parcourt une rampe inclinée, et les chanteurs occupent l'avant-scène, étendue pour l'occasion par-dessus la fosse d'orchestre et prolongée par une estrade de type défilé de mode jusqu'au milieu du parterre. Conçu pour une autre salle, ce dispositif s'adapte hélas mal au Festspielhaus de Baden-Baden, puisqu'il faut recourir à des projections vidéos pour que le public des premier et second balcons puisse voir les multiples entrées ou déplacements des chanteurs sur ce praticable. Quant à les entendre, ce même public ne bénéficie plus alors que de la réverbération des voix… Pour le reste, Alain Maratrat est souvent à court d'idées pour animer le plateau et, en maints moments, les chanteurs déambulent de cour à jardin sur l'espace scénique déshabité ou se rassemblent à la rampe en rangs d'oignons. Avec un livret pourtant linéaire et simplissime à expliciter, le metteur en scène n'offre qu'une suite de scènes sans cohérence dramatique. Les deux duos Corinna-Belfiore et Melibea-Libenskof sont pourtant un peu mieux traités et font l'objet d'actions dramatiques plus travaillées. Seuls les costumes ingénieux et aux vives couleurs d' soutiennent un peu l'intérêt d'un spectacle globalement sans nerf, sans imagination et soporifique.

Tous issus de l'Académie pour Jeunes Chanteurs du Mariinsky, dirigée par la sœur Larisa de Valéry Gergiev, les chanteurs s'avèrent souvent sous dimensionnés pour la salle de 2500 places du Festspielhaus et composent une distribution trop hétérogène. Certes, la présence de l'orchestre sur scène, au son renforcé par la conque qui lui sert d'écrin, ne les aide pas et pose d'insolubles problèmes d'équilibre. Mais, même privé de cabalette, le Lord Sidney sans autorité et au souffle court d'Edward Tsanga ne convainc jamais dans sa grande scène, d'autant plus qu'Alain Maratrat en fait un timide maladif. Le Don Profondo de Nikolai Kamenski se réfugie dans un histrionisme, d'ailleurs parfaitement assuré, pour masquer une voix certes sonore mais bien trop ouverte. Passons sur un Baron de Trombonok et un Don Alvaro transparents et sur un Don Prudenzio carrément insuffisant. Daniil Shtoda en Libenskof a pour lui un joli timbre et une vocalisation véloce mais demeure la plupart du temps inaudible et son jeu d'acteur est consternant de platitude. Il frise même la correctionnelle en craquant ou escamotant nombre de suraigus. Finalement, chez les hommes, seul le Belfiore de Dmitry Voropaev tire son épingle du jeu. Il se fait entendre, sait au moins vocaliser et a une certaine idée de ce que signifie le style rossinien ; dommage que son timbre soit si empreint de nasalité.

On trouve plus de bonheur du côté des dames, avec en particulier la Comtesse de Folleville de Larisa Yudina, parfaite coquette capricieuse à la voix corsée et à la colorature facile, débordante d'énergie scénique, à qui manque juste la capacité à filer un aigu. Belle Melibea d', qui mériterait de mieux souder ses registres et de moins poitriner ses graves. Correcte Madame Cortese d', une fois accepté son vibratello prononcé, qui manque toutefois de legato et d'adéquation stylistique. Irma Gigolaty emporte moins l'adhésion en Corinna car, même si toutes les notes y sont, l'aigu (toujours dardé à pleine voix) n'est pas assez diaphane, pas assez surnaturel, elle est trop terrienne, trop concrète pour incarner pleinement la poétesse.

L'Orchestre du Théâtre du Mariinsky, costumé de livrées et perruqué, fait valoir des cordes exceptionnelles de velouté, des bois superbes et intensément poétiques, des cuivres et des percussions parfois un peu envahissants. Même si la capacité à alléger est notable, il est plus taillé pour le grand romantisme que pour la musique de Rossini et il n'est pas certain qu'il y trouve sa plénitude. Il en va de même de la direction de Valéry Gergiev, qui peine, on l'a dit, à ne pas couvrir ses chanteurs. D'autant qu'il a tendance à lâcher les chevaux dans les ensembles (sextuor, grande pièce concertante à 13) et au final, ce qui leur donne certes une énergie et une intensité sidérantes mais donne à la musique de Rossini un côté «bastringue» mal venu. Il faut cependant saluer l'excellent travail de préparation qui permet, à des tels tempos, un parfait synchronisme entre les chanteurs et l'orchestre. Et ajouter une mention toute spéciale pour l'éloquent duo en scène, avec Lord Sydney, de la flûtiste Maria Arsenieva.

Spectacle décevant donc, faute surtout d'une mise en scène inventive et d'une distribution plus éminente. Un spectacle bien inférieur, en tous cas, au niveau très élevé auquel Baden-Baden nous avait habitués.

Crédit photographique : © Andrea Kremper

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