La Scène, Spectacles divers

A dijon, quand Olivier Py se fait des illusions …

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Dijon, Grand théâtre, 16-XI-2007. Olivier Py (né en 1965) : Illusions comiques. Mise en scène : Olivier Py. Texte : Olivier Py. Décors : Pierre-André Weitz. Costumes : Pierre-André Weitz. Maquillages : Pierre-André Weitz. Musique : Stéphane Leach. Lumières : Olivier Py assisté de Bertrand Killy. Avec : Olivier Balazuc, Michel Fau, Clovis Fouin, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer, Olivier Py. et les musiciens Mathieu El Fassi, Pierre-André Weitz.

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Le théâtre est le miroir du monde qui est le miroir du théâtre. Au commencement était le théâtre. Ainsi pourrait-être résumé de manière lapidaire l'éblouissant spectacle d'. Le théâtre parle au théâtre. Le théâtre est dans le théâtre, mise en abyme oblige. Le théâtre parle du théâtre, s'amuse, s'interroge et rit de lui-même. Rire est d'ailleurs une action redondante dans ce spectacle enlevé et chaleureux. Le titre même renvoie à celui de Corneille – L'illusion comique – au pluriel ici, attestant déjà de l'importance du sujet théâtral, ainsi que de la gaîté de la comédie baroque. Et l'organisation de la pièce fait sans aucun doute référence à L'Impromptu de Versailles de Molière, dans lequel les acteurs, répétant une pièce, jouent leur propre rôle, à l'instar d', , Clovis Fouin, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer et « lui-même ». Ils incarneront d'autres personnages tout au long de la pièce. Molière sera le seul buste humanisé présent au sein des accessoires du décor (têtes dépersonnalisées, portants de vêtements, etc. )

Sur fond de néons lumineux – difficilement supportables pour les yeux, à la longue, seul petit défaut de cette mise en scène riche et colorée d' – qui renvoient parfois aux contours de la télévision lorsque certains acteurs entrent dans de véritable one man shows, Olivier Py vit le suprême bonheur de devenir le prophète en qui tout le monde croit, ministre, pape et président de la république, parce que porteur de la bonne parole théâtrale. Sa mère, avide de gloire et de pouvoir, n'en peut plus d'exubérances, tandis que ses acolytes restent dubitatifs devant un tel succès, et le quittent. Il vit des jours de gloire et se pavane au nom du théâtre, sous les yeux de sa mère et sa tante Geneviève, toutes deux conquises.

Mais le bonheur est de courte durée, comme on le sait. Fini le temps « Py » ! Bientôt le poète tombera en disgrâce, trahi jusque par sa mère elle-même. Emprisonné, il sera condamné à mort. Heureusement, le bourreau refusera de l'exécuter et l'enverra nettoyer un théâtre dans lequel il retrouvera ses anciens comparses. Et la seconde partie de se terminer sur des dizaines et des dizaines de définitions du théâtre… C'est du moins le fil conducteur essentiel de ce livret aux histoires enchevêtrées et références multiples au passé et à la réalité.

« Je suis le théâtre » pourrait dire Olivier Py. Car c'est véritablement sur cette tautologie théâtrale qu'est fondée sa pièce. Elle interroge le théâtre sur son rôle au sein de la société, n'oubliant pas les allégories (la mort) ou encore l'hommage « au poète mort trop tôt », à savoir , décédé à 38 ans, à qui est dédiée la pièce, et dont l'œuvre théâtrale restera sans conteste l'une des plus importantes de la seconde partie du XXe siècle. Mais c'est au contraire sur une note plus optimiste que se termine et se déroule l'ensemble de la pièce.

Les acteurs ont su soulever l'enthousiasme du public dijonnais. Pas un seul faux pas. Le plus extraordinaire reste sans aucun doute la prestation de , connu à Dijon pour ses originales mises en scènes d'opéras. Sa prestation dans Les Illusions comiques reste à graver dans les annales. Passant tour à tour de « Tante Geneviève » tout de rose bonbon vêtue au metteur en scène lui-même, il suscite l'attente des spectateurs lorsqu'il est absent et les francs éclats de rire lorsqu'il est là. Le moment à marquer d'une pierre blanche reste sa prestation « improvisée » sur la phrase : « Et la mort est pour nous la dernière créance ». Tout comme Fernandel dans Le Schpountz, avec le célèbre « Tout condamné à mort aura la tête tranchée », il change tour à tour de personnage, pour arriver à la folle hystérique qui se roule par terre. Un moment d'anthologie !

Et la musique dans tout cela ? Et bien, comme le texte, elle est très hétérogène, soulignant ou avertissant des actions dramatiques. Ainsi les sonneries de trompette de interprétées joyeusement par annoncent-elles l'arrivée de personnages importants à l'instar du pape ou du président de la république, de manière tonitruante, et d'un style un peu « pompier ». Les enchaînements et le célèbre accord de Tristan sous les doigts du pianiste-arrangeur Mathieu El Fassi sont ensuite référencés dans le texte, tandis que la célèbre Sarabande de Haendel en mineur, est prise à contrepied, créant souvent le sourire chez le spectateur. Flûte, trompette, percussion et piano ont bien contribué au bonheur de cette soirée.

Car c'est effectivement un spectacle d'où l'on ressort heureux et grandi, grâce aux réflexions et interrogations multiples sur le théâtre. De la complexité de la trame narrative, des diversités des registres employés, de l'étude des genres théâtraux… le spectateur ne ressentira rien de manière pesante mais au contraire sera séduit par une apparente comédie joyeuse. Si les références au monde du théâtre sont nombreuses – rappelons encore le personnage de Brecht – il est une chose qu'Olivier Py a parfaitement comprise : le théâtre fait rire, et le rire, depuis le théâtre grec, est la meilleure des catharsis …

Crédit Photographie : © Alain Fonteray

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Dijon, Grand théâtre, 16-XI-2007. Olivier Py (né en 1965) : Illusions comiques. Mise en scène : Olivier Py. Texte : Olivier Py. Décors : Pierre-André Weitz. Costumes : Pierre-André Weitz. Maquillages : Pierre-André Weitz. Musique : Stéphane Leach. Lumières : Olivier Py assisté de Bertrand Killy. Avec : Olivier Balazuc, Michel Fau, Clovis Fouin, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer, Olivier Py. et les musiciens Mathieu El Fassi, Pierre-André Weitz.

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