Decca rend hommage par ce magnifique coffret à Scriabine, disparu il y a un siècle. Le génie du compositeur et son évolution depuis le pianiste inspiré par Chopin jusqu'au mystique novateur s'y révèlent avec éclat.
Tous de haut niveau, les nombreux interprètes sont dominés par Vladimir Ashkenazy, pianiste et chef d'orchestre, qui fait corps avec la musique. Un coffret de référence.
En dix-huit CD, Decca réunit l'intégralité des œuvres d'Alexandre Scriabine pour célébrer le centième anniversaire de sa disparition. Les neuf premiers disques regroupent l'œuvre pour piano ainsi que les très rares partitions pour deux pianos, deux mélodies et une romance pour cor et piano. Le dixième propose deux morceaux pour cordes, un poème symphonique provenant sans doute d'une symphonie ébauchée, le magnifique concerto pour piano et la belle rêverie ; viennent ensuite les trois symphonies et les deux grands poèmes, de l'extase et Prométhée. Trois CDs sont consacrés à la reconstitution de l' »acte préalable », seul fragment qui subsiste du fameux Mystère projeté par Scriabine à la fin de sa vie ainsi qu'un curieux ballet « nuances » tiré des œuvre pour piano ; mais ces pages doivent certainement plus à Alexandre Nemtine (1936-1999) qui passa une part de sa vie à reconstituer l' »acte préalable » qu'à Scriabine lui-même. Enfin un CD de bonus offre un panorama de l'interprétation pianistique de Vladimir Horowitz à Benjamin Grosvenor et Daniil Trifonov.
Outre son exhaustivité, l'intérêt de ce coffret réside dans la qualité des interprétations tirées du catalogue Decca mais aussi de ceux de DG et ASV. On suit la trajectoire unique du musicien, ou plutôt ses deux trajectoires parallèles et complémentaires, celle du pianiste et celle du symphoniste. Le premier débute comme un continuateur doué de Chopin dont témoignent ses préludes, études et mazurkas. Il trouve ensuite sa voie à partir de la géniale 5° sonate et cultive dès lors l'aphorisme avec ses poèmes, caresses, et autres, y compris d'ailleurs les sonates ultérieures en un mouvement. Pour les premières œuvres, Decca fait largement appel à Gordon Fergus-Thompson, pianiste solide mais pas toujours inspiré qui aligne les opus les uns après les autres. Tout change pour les sonates, dont le coffret reprend essentiellement l'intégrale Ashkenazy avec trois infidélités pour quelques remarquables versions isolées (la 2° hyper-raffinée de Ivo Pogorelich, la formidable 5° de Sviatoslav Richter et la chirurgicale 9° de Pierre-Laurent Aimard). Les œuvres « visionnaires » sont d'ailleurs essentiellement confiées à Ashkenazy qui ressort comme le meilleur interprète actuel du piano de Scriabine. On le retrouve d'ailleurs par la suite, dans la version de référence du concerto accompagné par Lorin Maazel, mais aussi au pupitre pour les 1° et 3° symphonie et surtout l'immense Mystère dont il parvient, bel exploit, à porter à incandescence les presque trois heures d'orgie sonore. Eliahu Inbal enflamme la lisztienne 2° symphonie, et Valery Gergiev les deux poèmes. Inévitablement on pourra pointer quelques faiblesses ponctuelles mais globalement cette somme magistrale, d'un niveau général exceptionnel, brosse le portrait saisissant d'un des compositeurs les plus originaux de l'histoire, hélas prématurément disparu.
En parallèle, Decca édite un récital d'Ashkenazy (dont la quasi-totalité se retrouve dans le coffret) qui résuma magnifiquement l'évolution du compositeur des échos chopiniens de la splendide étude opus 3 n°1 aux élans de « vers la flamme » que Scriabine n'a pas eu le temps d'orchestrer avant sa mort et qui donne son titre à l'album. Bref et émouvant complément d'un prélude du fils de Scriabine, tragiquement disparu à onze ans (il se noya), dont le talent précoce émerveille.
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