L’Opéra du Rhin lève le rideau sur une ultime saison signée Alain Perroux
C'est sous la bannière shakespearienne « Le monde est un théâtre » qu'Alain Perroux, directeur général de l'Opéra national du Rhin depuis 2019, a dévoilé sa sixième et dernière saison. Conçue comme un adieu en miroir, la programmation 2025-2026 multiplie les mises en abyme scéniques, les jeux de rôle et de théâtre dans le théâtre, entre reprises, raretés et créations audacieuses.
Reprises et raretés pour la saison lyrique
La saison lyrique s'ouvre avec la version de concert du Triomphe du Temps et de la Désillusion de Haendel, allégorie baroque d'un théâtre intérieur, sous la direction musicale de Thibault Noally. Puis viendra Otello de Verdi, qui n'a pas été donné à Strasbourg depuis l'ère Alain Lombard. Cette nouvelle production de Ted Huffman, dirigée par Speranza Scapucci, mettra en lumière la version de Paris de l'acte III, où Iago domine la scène – un choix de partition rare, déjà enregistré par Riccardo Muti.
Autres temps forts : la reprise de Les Fantasticks, succès de l'Opéra Studio de l'OnR la saison passée et de Hansel et Gretel de Humperdinck, un conte musical capté et diffusé en streaming en 2020 mais jamais présenté en salle pour cause de confinement. Ce dernier sera porté par une jeune distribution et une sorcière transformiste, à voir au moment des fêtes.
En janvier 2026, fidèle à son engagement pour les premières françaises, Alain Perroux proposera également Le Miracle d'Héliande de Korngold, œuvre expressionniste rare (créée en 1927 à Hambourg) et légèrement réorchestrée, dans une mise en scène dystopique louée à la Nederlandse Reisopera. Enfin, Le Roi d'Ys de Lalo, très joué au XIXème siècle à Paris et jusqu'en 1944 à Strasbourg, retrouvera les planches avec une distribution 100 % française et une mise en scène confiée à Olivier Py, fervent défenseur de ce répertoire, qui plongera dans l'imaginaire breton et parlera de la fin d'un monde.
Une nouvelle lecture des Noces de Figaro en coproduction avec l'Opéra de Montpellier, sera confiée à une équipe de jeunes artistes parmi lesquels la metteuse en scène britannique Mathilda du Tilleul McNicol et la soprano Camille Chopin, sous la direction musicale de Corinna Niemeyer.
Enfin, l'« opéra volant » annuel sera Les Mamelles de Tirésias de Poulenc, dans une version de chambre pour deux pianos de Benjamin Britten et mise en scène par Jean-François Kessler, ancien danseur de l'Opéra de Paris, maître de ballet et assistant de metteurs en scène de renom.
Hybridations contemporaines pour le Ballet du Rhin
Côté danse, le Ballet du Rhin dirigé par Bruno Bouché ouvrira la saison avec En regard, un programme partagé entre Sharon Eyal, qui reprendra The Look, une pièce créée pour La Batsheva en 2019, et Léo Lérus, qui mêlera capteurs de mouvement (conçus avec l'Ircam) et danses issues de la tradition créole. Ce programme en coréalisation avec Chaillot Théâtre national de la danse sera également montré au Théâtre de la Ville à Paris.
En contrepoint, All over Nymphéas d'Emmanuel Eggermont, créé à Avignon en 2022, offrira à dix danseurs du Ballet du Rhin une pièce minimaliste et colorée, en partenariat avec les acteurs du territoire : La Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace, Maillon, Théâtre de Strasbourg et Pôle Sud, CDCN de Strasbourg.
Deux ballets grand format ponctueront la saison. Hamlet, création de Bryan Arias, grand interprète de Cristal Pyte et Jiri Kilian, qui développe son travail en Allemagne et Europe de l'Est. Il mettra en lumière les personnages féminins et notamment Ophélie, sur une trame musicale centrée sur Sibelius, confiée à Tanguy de Williancourt. Autre création, Caravage ou le silence des battements de cœur, de Bruno Bouché, qui s'est inspiré du roman « La passion Caravage » de Yannick Haenel, invitera à une méditation sur la foi et l'immanence. Il sera dansé par le Ballet de Chemnitz, ville allemande jumelée avec Mulhouse, qui sera capitale européenne de la culture.
Le projet Danser Mozart au XXIe siècle, uniquement diffusé en streaming en 2020 pour cause de Covid, verra deux danseurs de la compagnie, Ruben Julliard et Marwik Schmitt, proposer leur relecture personnelle du compositeur autrichien. Enfin, le programme « Ballets russes » réunira Dominique Brun, François Chaignaud et Tero Saarinen autour de trois pièces emblématiques – L'Après-midi d'un faune, Boléro et Le Sacre du printemps – pour des effectifs réduits de danseurs.
En fin de saison, la moitié du Ballet prendra part à Follies, comédie musicale emblématique de Stephen Sondheim et James Goldman, devenue un classique, dans une nouvelle production signée Laurent Pelly. L'intrigue se déroule en 1979 dans un théâtre de Broadway au passé prestigieux, promis à la démolition. Son propriétaire – un personnage inspiré du célèbre Ziegfeld – convoque les anciennes gloires de la scène pour une ultime fête. La direction musicale sera assurée par l'un des derniers disciples de Sondheim, et la distribution, en cours, comptera notamment Natalie Dessay. Follies sera coproduit par le Théâtre du Châtelet, où il n'a encore jamais été monté, et le Grand Théâtre de Genève.
En attendant les travaux en 2028
Cette saison de transition marque aussi le début d'un grand tournant pour l'institution : la rénovation de l'Opéra de Strasbourg, prévue de 2028 à 2033 pour un budget de 120 millions d'euros. Le vaste projet architectural, choisi le 25 avril dernier par la Ville, ambitionne notamment de « réinterpréter » la salle à l'italienne tout en maintenant une jauge de près de 1000 places (environ 950 contre 1140 actuellement), un sujet patrimonial qui fait débat. Le Palais des Fêtes et d'autres salles du territoire accueilleront les productions pendant les travaux. Un dialogue compétitif sera lancé dès juillet 2025 pour sélectionner l'équipe d'architectes. (DG)









