Company de Sondheim à l’Opéra de Rennes
Coproduction Génération Opéra prévue pour passer dans une dizaine de salles françaises et suisses, la comédie musicale Company de Stephen Sondheim est à Rennes en ce début novembre. Menée par une troupe d'acteurs-chanteurs bouillonnante et un Orchestre de Bretagne très à l'aise dans ce style musical, l'histoire du célibataire Bobby ravit les spectateurs.
D'abord parolier, Stephen Sondheim se fait vite repérer sur la scène new-yorkaise, où il collabore en 1957 au West Side Story de Bernstein. Treize ans plus tard, il développe l'art de la comédie musicale en composant Company, sur un livret de George Furth.
D'une durée de deux heures trente, l'œuvre propose plus de moments parlés que chantés. Elle est constituée d'une quinzaine de chansons, dont un thème leitmotivique autour de l'anniversaire du personnage principal. En relation avec une idée déjà très présente au début des années 70 à New-York, Company s'intéresse de manière disparate à l'histoire de Bobby (Robert), célibataire de 35 ans que tous ses amis veulent « caser », mais qui ne se sent pas si mal quand il regarde leurs relations de couples. Entre engueulades, mauvais conseils, dégoût des autres et divorces, les amis de Bobby l'accueillent toujours avec plaisir pour interrompre leur routine quotidienne, tandis que lui alterne les aventures avec trois partenaires.
Adaptée à un public français, cette nouvelle production utilise des textes parlés traduits (Stéphane Laporte), seuls ceux chantés restant en anglais original. Avec quelques adaptations plutôt amusantes (en plein régime, Joanne/Jasmine Roy rêve de cake mais aussi, Bretagne oblige, de beurre salé…), le livret est tout de même parfois un peu bavard, sans pour autant casser l'énergie des parties chantées. La mise en scène de James Bonas utilise un sol gris qui permet d'y placer divers éléments, dont souvent un simple fauteuil ou un canapé, et parfois des décors (Barbara de Limburg) plus flashy, voire kitsch selon les amis visités. Des vidéos (Anouar Brissel) permettent de placer l'action à l'extérieur, soit en plein centre de Manhattan, soit dans un parc pour la scène avec April, la jolie et idiote (comme elle l'affirme elle-même) hôtesse de l'air (Camille Nicolas). Certes, Bobby semble tenter de quand même l'aimer, mais il a du mal à retenir son prénom et l'appelle June sans le vouloir (jeu de mot sur les mois avril/juin en anglais).
Tous sonorisés (réalisation Unisson Design), les chanteurs possèdent pour la plupart un très bon accent anglais lorsqu'il faut chanter, et s'expriment tous parfaitement en français lorsqu'il s'agit de parler. D'une belle énergie, ils gagneront sans doute encore un peu dans la liberté des mouvements par rapport aux chorégraphies (Ewan Jones) d'ensemble, notamment dans la deuxième (« The Little Things You Do Together ») qui montre encore de la part de certains un peu trop d'application dans la façon de compter les temps. Sans bénéficier du souffle de chanteurs d'opéra, les artistes et notamment le premier d'entre eux, Gaétan Borg, offrent leurs timbres agréables à ces musiques plutôt entrainantes, dont on retient avant tout la première de l'Acte 2, « Side By Side By Side », reprise après le final et les saluts pour redynamiser encore les applaudissements.
Comme un poisson dans l'Hudson, l'Orchestre National de Bretagne dirigé par Larry Blank s'amuse en fosse. Il y procure toute la souplesse et les étincelles demandées par la partition américaine, renforcé par un trio clavier-guitare-batterie très présent. Difficile de dire si ce type de projet permet d'amener un nouveau public à écouter des productions d'opéras classiques et contemporains par la suite, mais cela offre l'assurance d'une audience plus jeune et conquise à la fin de la représentation.









