Approuvé de son vivant par le chanteur Leonard Cohen, auquel il rend hommage, Dance Me, proposé dans le cadre du festival Immersion Danse, met en valeur les danseurs des Ballets Jazz de Montréal et confronte la danse souvent acrobatique aux mélodies mélancoliques du chanteur. 

Danser sur des chansons de Leonard Cohen, quoi de plus évident lorsqu'on est une compagnie de danse canadienne ? L'iconique chanteur de Montréal proposait des chansons à grand effet mélodique et la puissance de sa voix caverneuse et calme a de quoi susciter la créativité de chorégraphes. C ‘est ainsi que le projet s'est monté au sein des Ballets Jazz Montréal. Le chanteur a approuvé de son vivant la sélection des chansons et la compagnie a déjà pu montrer le spectacle au Théâtre des Champs Elysées et au Théâtre du Châtelet, à Paris.

Le résultat est plutôt réussi, même s'il est parfois en décalage chorégraphique avec l'univers musical du chanteur. La dramaturgie et mise en scène d'Eric Jean est pourtant très joliment vue : un élégant personnage à chapeau noir, si reconnaissable, traverse régulièrement le plateau, – Leonard Cohen aimait beaucoup marcher – se mettant à sa machine à écrire, regardant furtivement les danseurs évoluer avant de les laisser à leur art. Les lumières aussi, signées Cédric Delorme-Bouchard et Simon Beetschen sont extrêmement sophistiquées et travaillées, zoomant sur des mains, des chevilles, des bras, créant des jets de lumière latéraux, en hauteur, face au public (ce qui n'est jamais confortable), en ombres chinoises… Tout le spectacle est ainsi en noir et blanc, ombre et lumière, d'une classe folle, à l'image de son « héros ».

Restent alors les chorégraphies choisies par le directeur de la compagnie d'alors, Louis Robitaille, et signées de trois chorégraphes différents : le Grec Andonis Foniadakis, la Belgo-colombienne Annabelle Lopez Ochoa, le Britannique  Ihsan Rustem. On ne saura pas qui a fait quoi…

Même si la danse, plutôt acrobatique, se retrouve parfois en porte à faux avec la musique, il y a quand même une unité de style, résolument modern jazz, dans l'énergie des mouvements. Mais trop souvent un côté gymnique dans les portés notamment, assez forcé, enlève toute poésie au mouvement, alors même que les chansons l'imposeraient. C'est bien la faiblesse de style – un peu trop récurrente – que l'on peut y voir, et qui ne nécessite pas d'en faire autant, pour constater très vite que les quatorze danseurs sont de très haute tenue, notamment les garçons. On regrettera aussi la stratégie d'évitement sur des chansons phares comme Halleluja et So long, Marianne qui ne sont que chantées. Or, il y a aussi de très belles trouvailles comme ces jeux de jambes au sol qui semblent taper à la machine, sur les paroles de If you want a lover. Ou, avec Suzanne, un formidable duo où la danseuse ne se pose jamais à terre, portée, ballottée, entrainée, magnifiée par son partenaire. On reste donc parfois transportés, parfois simples observateurs d'une danse qui passe, mais toujours formidablement accompagnée par les douces psalmodies du chanteur.

Crédits photographiques : © Thierry Du Bois