Lise Cristiani, la première violoncelliste virtuose du XIXe siècle ressuscitée par Sol Gabetta
Drapée dans un costume de l'époque la musicienne se dégage des brumes de l'oubli… telle Sol Gabetta sur la pochette de son nouvel album consacré au répertoire de Lise Cristiani (1825-1853), la première violoncelliste à courir le monde avec son Stradivarius, oubliée au XXe siècle et redécouverte depuis peu.

S'appuyant sur les recherches de Waldemar Kamer, le biographe de Lise Cristiani, et de plusieurs musicologues, Sol Gabetta propose dans cet enregistrement le répertoire reconstitué de la musicienne, dont on commémore le bicentenaire de la naissance, en compagnie de la Capella Gabetta. La moitié des pièces sont des premiers enregistrements.
François Servais, le « Paganini de l'époque » a laissé la charmante version d'une danse du XVIe siècle, la Romanesca. Sol Gabetta nous plonge dans un univers baroque avec une cantilène nostalgique surgissant de l'ombre pour s'évanouir discrètement le moment venu. Una furtiva lagrima de L'Elisir d'amore de Donizetti, arrangé par Alexandre Batta (un autre grand violoncelliste de l'époque), illustre la tradition des arrangements : le public ayant ces mélodies d'opéras à l'oreille est friand d'en entendre d'autres versions en salle de concert. Le fortepiano avec sa sonorité sombre d'Irina Zahharenkova introduit le thème mélancolique que la violoncelliste reprend sur le même ton retenu avec de discrètes glissades et toujours en dialogue avec le piano. Pourquoi ne pas recourir à Schubert ? Si Batta arrange le fameux Du bist die Ruh, il confie à l'instrument son message intrinsèque : le chant langoureux au registre intermédiaire que Sol Gabetta déploie ici avec son phrasé qui évoque de loin la respiration d'un Julian Prégardien chantant ce fameux Lied. Dans les deux autres Schubert/Batta (Ständchen et Ave Maria) le Gofriller de la violoncelliste nous charme avec le ton velouté d'un jeu poétisé, plein de contrastes entre lumière et ombre, sans jamais glisser dans les sphères du kitch.
Pour les pièces de Servais et de Jacques Offenbach, Sol Gabetta se munit de tous les explosifs entreposés dans l'arsenal de sa virtuosité : cadences aux loopings à couper le souffle, courses précipitées à la hussarde, acrobaties à l'octave, à la sixte ou à la tierce, sautillé dans les sphères stratosphériques de la touche. Dans le Boléro d'Offenbach elle se lance dans une cavalcade fortement articulée, en contraste avec les espiègleries de la danse, le tout pimenté de nombreux flageolets, apparemment une des bouffonneries de la Cristiani. Pour le Guillaume Tell au rythme cadencé de Gioachino Rossini on se met à trois violoncelles pour façonner cette ample sonorité emportée d'une allure gaillarde. Avec la Fantaisie sur deux airs russes de Servais nous entrevoyons une scène champêtre où le peuple s'adonne à des danses débridées que la soliste souligne ici moyennant des coups d'archet corsés administrés dans les graves, sans parler de la danse fulgurante au-dessus du point d'orgue de la corde à vide : une paysannerie en ébullition autant que la virtuose avec ses sautillés époustouflants, ses sauts acrobatiques etc. On s'imagine la Cristiani en action sur son Stradivarius de 1700… !
La notice de présentation écrite par Waldemar Kamer nous livre une riche documentation sur la biographie de Lise Cristiani ainsi que sur celles de François Servais, Alexander Batta et Jacques Offenbach.
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