A l'heure où l'on redécouvre les musiciennes oubliées de l'Histoire, la violoncelliste Lise Cristiani (1825-1853) s'avère une figure d'avant-garde mise en lumière à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

Lise Cristiani fait partie, avec plus de cent ans d'avance, du « club des 27 », ces musiciens météores disparus prématurément. A l'âge de 27 ans, elle meurt du choléra dans le Caucase. Avant cela, sa vie, dès sa naissance à Paris, a été un véritable jeu de piste et un casse-tête (comme elle les affectionnait) pour ses biographes : René de Vries tout d'abord, qui est allé sur ses traces jusqu'en Sibérie et a déjà écrit un ouvrage en néerlandais à son sujet, et Waldemar Kamer, qui a mené un véritable travail de détective à la recherche de l'identité même et du parcours de la musicienne. Secrets de famille, archives perdues ou brûlées, comme tant d'autres femmes musiciennes, Lise Cristiani est tombée dans l'oubli.

Cette première biographie de musicienne dans la série « Horizons » de Bleu nuit éditeur (sur 123 portraits !), et la première en français, consacre une figure de surcroit éminemment romanesque, en avance sur son temps, faisant fi des conventions d'alors. Elle est la première violoncelliste à se produire en public serrant son instrument entre ses cuisses, et, non mariée, entreprend seule un voyage jusqu'en Sibérie, pour exercer son métier, celui de musicienne. Cette aventure est retracée avec force documents et illustrations bien qu'on ne connaisse qu'un seul portrait d'elle, celui de couverture. Belle et mystérieuse, élégante, également pleine d'esprit, comme en attestent ses lettres à son frère, Lise Cristiani est une artiste virtuose. Mendelssohn lui dédicace sa Romance sans paroles, sa seule pièce pour violoncelle. En remerciement elle lui écrit un petit Andante, seule composition qu'on lui connaisse. C'est cette mention sur la partition du compositeur qui a attiré l'attention de René de Vries, point de départ des recherches sur cette « inconnue ».

Depuis son enfance, ses débuts, puis les concerts, les tournées européennes, la grande expédition sibérienne jusqu'à la péninsule du Kamtchatka et la mort de Lise dans le Caucase, le récit passionnant de cette vie brève mais intense fourmille de détails et de citations, s'appuyant sur les propres écrits de la musicienne et diverses sources. Il se lit comme un roman, porté par l'enthousiasme communicatif des auteurs pour leur sujet. L'aventure se referme sur le périple du Stradivarius (1700), » mon noble époux » comme l'appelait la violoncelliste, « le Cristiani » comme il se nomme à présent au musée de Crémone où il trône bien seul dans une vitrine après avoir bravé les aléas des voyages au long court et les températures les plus basses. Le fidèle violoncelle est revenu en France depuis la Russie quatre ans après la mort de la musicienne.

Au sein de ce véritable projet de redécouverte faisant même l'objet d'un site internet très documenté, ce volume sera complété en avril 2026 par un second chez le même éditeur dans la collection numérique (Sur les traces de Lise Cristiani, documents réunis et présentés par Waldemar Kamer) enrichi de documents inédits. Deux films ont également étaient réalisés avec Sol Gabetta, partie prenante du projet, et qui vient par ailleurs de sortir un disque dédié à Lise Cristiani chez Sony, récompensé par une Clef d'Or ResMusica dans la catégorie « Découverte » de l'année. Assurément cette renaissance ne peut laisser indifférent.

Lire notre portrait :

Lise Cristiani, une amazone au violoncelle

Et aussi (Clef d'Or ResMusica) :

Lise Cristiani, la première violoncelliste virtuose du XIXe siècle ressuscitée par Sol Gabetta