Le Consortium créatif sur de bons rails
Trois ans et demi après l'annonce de son lancement, le Consortium créatif présentait un bilan de ses actions à l'occasion de la création au Théâtre des Champs-Élysées de sa quatrième commande, Chalk Line de Caroline Marçot.
En racontant la genèse du consortium, créé à l'occasion de la commande du Concerto pour violoncelle de Michaël Levinas, Jean-Marie Blanchard, directeur général de l'Orchestre national de Cannes, rappelle les raisons d'être de cette association de cinq orchestres de chambre labellisés « orchestres nationaux en région » : la musique dite contemporaine est plus chère à produire, moins vendeuse, et trop souvent les créations sont jouées une ou deux fois avant d'être remisées ; alors même que la commande d'œuvres à des artistes vivants fait partie des missions de ces orchestres. Répondre à ces défis, tout en élargissant le répertoire pour orchestre de chambre, sont les raisons d'être du consortium, déjà réalisées dans la commande de six œuvres bien différentes les unes des autres.
D'autres avantages sont apparus au fil des expériences : travailler dans un climat de confiance avec le commanditaire, dans une durée qui permet par exemple des ajustements au fil des représentations, comme le souligne Olivier Penard, dont la Symphonie n°2 est issue de la troisième commande du consortium, portée par l'Orchestre Avignon-Provence représenté par son directeur général Alexis Labat. Les deux hommes ont souligné également la fenêtre d'exposition pour le compositeur que constitue le fait d'être joué cinq fois au minimum (une par orchestre). Point fort souligné par Stéphane Michaka, auteur du texte du conte musical L'île des jamais trop tard, qui, en dehors de sept dates dans les salles attitrées des orchestres partenaires, a bénéficié d'une tournée en Bretagne avec l'Orchestre national de Bretagne qui l'avait créée, d'une date à la Seine Musicale et même d'une à Cardiff, ville où est en résidence artistique la compositrice galloise Sarah Lianne Lewis. En tout plus de vingt dates en comptant les scolaires, alors que les concerts-fiction auxquels il participe pour Radio France, tel le Blanche Neige à venir le 4 octobre, ne bénéficient que d'une ou deux représentations (avec certes une diffusion en podcast ultérieure). Cela a été permis par la structure même du consortium, mais aussi par un cahier des charges qui favorisait la circulation de l'œuvre : pas de mise en scène et un dispositif musical centré autour du piano (en l'occurrence tenu par Vanessa Wagner).
Nicolas Ellis, qui a pris la suite de Grant Llewelyn à Rennes, a insisté en écho à Olivier Penard sur le fait que cette multiplicité de dates permet aux chefs et aux orchestres de comprendre de mieux en mieux les intentions du compositeur et d'affiner le geste musical. Ce qui pourtant ne fige pas les œuvres : « on se partage les créations, mais la création est vivante et continue d'évoluer d'un orchestre à l'autre. » La diversité favorisée : tel est l'éclairage qu'a apporté également Caroline Marçot, accompagnée de la directrice de l'Orchestre de Picardie Chloé Van Hoorde, en racontant la genèse de son œuvre, née notamment de discussions avec Marc Feldman, l'un des hommes à l'origine du consortium lorsqu'il administrait l'ONB. Cette quatrième commande est la première à faire appel à la voix chantée ; elle intègre également une création vidéo, car les moyens mis en commun permettent, selon les mots de la compositrice, des « commandes augmentées. »
Du côté de la médiation, tous les intervenants ont fait valoir, à l'instar de Guillaume Hébert pour l'Orchestre national de Mulhouse, la démultiplication des possibilités, du fait du nombre de partenaires et de territoires touchés et du fait de la durée de circulation des œuvres. Marc Voinchet, directeur de France Musique, a insisté sur l'évidence du soutien apporté « en tendant des micros » tant la raison d'être du consortium lui avait dès le départ semblé en adéquation parfaite avec les missions de la station. Enfin, la Sacem, par la voix d'Émilie Aubert, a rappelé qu'elle contribue fortement en prenant en charge 100 % du coût des commandes, en suivant la grille de montants minimaux préconisée par la Maison de la musique contemporaine.
Du côté des perspectives, la création de l'opus V, une musique d'Alexis Savelief pour le film de Murnau Le Dernier des Hommes, portée par l'Orchestre national de Cannes, est déjà annoncée et la création programmée au 28 février 2027. L'opus VI sera un concerto pour clarinette de l'Iranienne Golfam Khayam, et le consortium réfléchit à passer à un rythme de deux commandes par an à partir de 2026. Un effort de structuration est également annoncé, au niveau de la communication et sur le plan institutionnel avec la fondation à venir d'une association du Consortium créatif. Quant à la question d'élargir le consortium, elle suscite des réponses prudentes de la part des représentants des orchestres, soucieux de la viabilité d'une organisation reposant sur la mise en commun de leurs forces propres, et de ne pas dévoyer la destination des œuvres commandées, à savoir enrichir le répertoire pour les orchestres de chambre, Mulhouse avec ses 56 musiciens apparaissant déjà comme « un géant » selon le mot de Jean-Marie Blanchard. Celui-ci a fait état de réflexions portant davantage sur une ouverture ponctuelle, et plutôt à l'étranger, avec un début de discussions avec l'Orchestre de chambre de Genève et un orchestre norvégien. (SR)










