Richard Hickox, un coup pour rien !

En passant par hasard devant une fenêtre ouverte d'où s'échapperait un peu de musique on aurait juré entendre l'enregistrement d'une grosse harmonie municipale sous le kiosque à musique de la place du village. L'entrain du flonflon est là, avec sa générosité et son absence totale de légèreté. Les violoncelles très pesants empâtent ce Souvenir de Florence que les violons peinent à alléger tant la confusion de l'orchestre et la lourdeur des coups d'archets empêchent les instruments de se répondre, les forçant à se superposer dans un ensemble très saccadé décidément loin du phrasé mélodique de Tchaïkovsky. Du début à la fin de l'enregistrement tout est poussif, sans aucune unité. Au lieu d'un souvenir agréable de voyage, c'est une réminiscence pénible qui rejoint la sérénade pour corde devenue complainte langoureuse. L'adagio cantabile du souvenir ressemble à une terre boueuse dans laquelle les pizzicati s'enlisent sans expressivité. Les crescendos sont patauds et gauches. Ils arrivent de loin, comme une marche paysanne en sabots à laquelle succède dans l'allegro moderato un défilé pachydermique de notes mises bout à bout. La fraîcheur quasi printanière de la partition se transforme en une lourdeur caniculaire.
Pour être honnête, il est pénible d'aller au bout d'un tel enregistrement. Pourtant comme un examinateur face à un mauvais élève on se dit qu'il doit bien avoir quelques points positifs à trouver. Tout l'enregistrement est de la même veine. Lourd, poussif, sans âme ni vie. Comment Richard Hickox qui nous avait habitué à autre chose a-t-il pu accepter d'enregistrer un tel marasme ? Même le timbre des instruments nous rapproche des instruments d'études. La Pavane de Fauré ou le Tombeau de Couperin n'évitent pas le travers d'une complainte lyrique et larmoyante. Vraiment au final, nous avons l'impression d'être devant l'interprétation d'une grosse harmonie municipale qui jouerait bien, mais sans relief et surtout sans aucune connaissance des auteurs, de leur particularité, de leur époque. Tout est linéaire. Et finalement ce n'est qu'à l'extrême fin, dans le divertissement de Jacques Ibert que l'on trouve réellement un peu d'agrément. L'orchestre semble à son aise dans ce répertoire de musique de film et les travers que nous relevions plus haut sont tout naturellement à leur place dans cette fantaisie rythmique appropriée aux kiosques à musique. Il n'est jamais agréable de donner une critique dure et absolument négative, mais en l'occurrence une question s'est sans cesse posée pendant cette audition. Quel doit être le fondement d'un enregistrement ? Faut-il enregistrer pour enregistrer, ou pour immortaliser quelque chose de neuf ou d'excellent dans l'interprétation ? En tout cas ici rien de tel. La version de Hickox n'apporte rien de neuf, au contraire, elle dénature des partitions vidées de leur sens et de leur âme. Un coup pour rien !









