Ce  « Projet Chopin » effarera peut-être les puristes tout autant qu'il ravira partiellement les tenants du cross-over.

Ce positionnement intermédiaire confère à cette sympathique réalisation toute sa délicatesse et sa saveur sonore. Voici donc pour certains l'occasion de renouer avec l'amour de la musique. La pianiste germano-japonaise Alice Sara Ott joue avec un toucher aérien et romantique, tout de musicalité, le Largo de la Sonate n° 3 et trois des immortels Nocturnes. En alternance, nous découvrons des pièces retravaillées par un musicien islandais (né en 1986 à proximité de Reykjavik), Ólafur Arnalds, un doué aussi à l'aise au sein de groupes métal ou hardcore (il joue de la batterie) que face à des partitions plus classiques. Pour le situer plus précisément, il est l'auteur de la musique de la très réussie série TV Broad Church, diffusée l'année précédente sur les écrans français. Formé aussi à l'Université du Michigan, il sait proposer une musique dite sérieuse, mais aussi de la musique électronique. Ce génial éclectique, inspiré par l'œuvre de Chopin, créateur qu'il vénère, compose une musique parfaitement à sa place aux côtés de Alice Sara Ott. Bien sûr, il faut le répéter Arnalds n'interprète pas Chopin au sens traditionnel du terme, il se repose sur lui et, sans le trahir totalement, écrit une musique où respect ne signifie nullement soumission ou plagiat.

Ces 45 minutes baignent dans une atmosphère intimiste, font feu de tout bois (pianos préparés, consoles vintages, combinaisons mélangeant apports personnels et influences du 19ème siècle classique). En dépit de ses belles qualités intrinsèques, cet enregistrement, une fois passé le charme et la relaxation qu'il induit, ne pourra prétendre détrôner les lectures « académiques » de Chopin, pas plus que s'installer confortablement et durablement chez les fans de musiques pop ou apparentées. Comme souvent dans le domaine du cross-over, ce produit de qualité aura une existence fragile et éphémère. Mais n'est-ce pas la loi du genre ?