Les ressorts de la percussion avec Édith Canat de Chizy
Deuxième opus du nouveau label Merci pour les sons lancé en 2018 par Florent Jodelet, ce disque monographique consacré à la musique d'Édith Canat de Chizy fait la part belle à la percussion, à travers quatre pièces jamais encore enregistrées, qui balaient trente deux ans d'activité créatrice.
Stimulant son travail sur la couleur et la résonance, ainsi que sa recherche d'un univers en expansion, la percussion est l'un des instruments de prédilection d'Édith Canat de Chizy. Tlaloc (1984) pour percussion seul, qui donne son titre à l'album, est une des premières œuvres de son catalogue. C'est le nom donné au dieu de la pluie dans la civilisation aztèque. On y décèle déjà un goût affirmé pour certaines qualités d'instruments : résonance des métaux (cymbale, gong profond, cloches de vache, glockenspiel, crotales), profondeur de la grosse caisse et matité des bois, woodblocks et temple blocks, toujours très actifs dans un espace ménageant d'amples respirations. La palette de couleurs est riche mais l'écriture toujours économe, dont le geste fluide et l'oreille affûtée de Florent Jodelet magnifient les détails.
La formation atypique de Trance (2009) convoquant clavecin, cymbalum et percussion, nourrit l'imaginaire sonore de la compositrice : quant à la manière de traiter le clavecin d'abord, qui sonne parfois, sous les doigts de Maude Gratton, comme une fréquence électronique ou un bourdon d'insectes rappelant les textures de Ligeti. Mais c'est dans le travail rythmique et la combinaison virtuose des trois instances sonores que s'opère l'alchimie du timbre, dans un espace-temps foisonnant qui génère des matières inouïes. Dance (2006) instaure un jeu de rôles très fin entre le violon altier d'Alexandra Graffin-Stein et le vibraphone félin de Florent Jodelet : une chorégraphie de gestes dominée par les « figures ruban » du violon chères à la compositrice. Dialogue, écho, contrastes entre la matière lisse du vibraphone et le grain sombre (pizzicati) du violon… l'espace de jeu est jalonné de trouvailles, comme cette coda en sons filtrés superbement restituée par nos deux interprètes.
Seascape pour percussion et orchestre rejoint en 2016 la longue liste des concertos écrits par Édith Canat de Chizy (sept à ce jour !) et renoue avec le thème de l'eau, de la mer en l'occurrence, qu'aime traiter la compositrice. Si le soliste – Florent Jodelet depuis la création – est toujours au centre de l'orchestre avec lequel il fusionne littéralement, le piano s'adosse aux percussions, utilisé pour ses capacités résonnantes et percussives, comme cette touche bloquée dans le grave, mystérieuse et récurrente, à laquelle répond un wood-block presque « liquide » au début de la pièce. Un espace s'ouvre et s'anime progressivement : appels des cuivres (trompette bouchée), ondoiement du marimba, bruit blanc (machine à vent), frémissement/nuées des cordes, cymbale éclaboussante. On ne voit pas la mer, on la ressent, dans son énergie, sa masse bruitée et les éclats de lumière sur sa surface argentée. Le mouvement parfois se suspend, dans un climat d'attente où se concentre l'énergie avant le déferlement. Entre le soliste et l'Orchestre de Caen que dirige Vahan Mardirossian, la synergie est totale, les deux partenaires servant l'écriture virtuose de la compositrice avec un panache sidérant.









