L’Ombre, la rencontre fascinante de Blanca Li et Édith Canat de Chizy à l’IRCAM
Pour le festival ManiFeste organisé chaque année par l'IRCAM, la compositrice Édith Canat de Chizy et la chorégraphe Blanca Li se sont associées pour produire L'Ombre. Le spectacle, inspiré du conte éponyme d'Andersen, est présenté en réalité mixte au public, avec six danseurs, un percussionniste et… un casque de réalité virtuelle sur la tête de chaque spectateur.

Édith Canat de Chizy et Blanc Li s'associent à nouveau après avoir déjà travaillé ensemble sur Corazón Loco en 2007. Pour ce nouveau projet, elles ont pris pour point de départ le conte L'Ombre de Hans Christian Andersen. Ce conte cruel narre l'histoire d'un savant dont l'ombre prend subitement son indépendance et usurpe l'identité du scientifique. Il ne reste bientôt à ce dernier plus d'autre choix que devenir l'ombre de son ombre. Les deux artistes, toutes deux membres de l'Académie des Beaux-Arts, ont vu dans ce récit un parallèle avec ce qui se passe aujourd'hui avec l'intelligence artificielle et la place grandissante des mondes virtuels dans nos vies.
De la musique mixte – la pièce d'Édith Canat de Chizy est composée pour électronique et percussion – mais aussi de la danse mixte sont présentées dans ce spectacle. En effet, aux danseurs et décors réels, viennent s'adjoindre des danseurs et des décors virtuels et changeants au fil des scènes que l'on peut découvrir grâce au casque de réalité virtuel transparent. Le résultat est visuellement assez bluffant. Certes, la technologie ne permet pas encore de confondre visuellement les vrais danseurs de leurs avatars numériques mais elle offre une démultiplication du champ des possibles. Ainsi les danseurs virtuels réalisent des pas et des figures plausibles mais totalement irréalisables dans la réalité, telles des roues sur les toits ou des arabesques sur des rebords de fenêtres. On entre donc dans un monde où la fantaisie et l'imaginaire n'ont plus de limites et qui démultiplie la créativité quand il est utilisé à bon escient, ce qui est le cas ici.

Les sept tableaux nous plongent dans autant de décors et d'univers différents, tantôt oniriques, tantôt réalistes, tantôt inquiétants. La chorégraphie, dynamique et créative, empruntant autant au langage classique qu'aux formes contemporaines, mêle avec une grande habileté les danseurs réels et virtuels. Le recours à la réalité virtuelle permet de faire fi des nombreuses contraintes spatiales auxquelles sont soumis les danseurs en chair et en os qui doivent se mouvoir sur d'étroites mezzanines ou au milieu des spectateurs déambulant dans la pièce et qui n'hésitent pas à commenter l'œuvre pendant le spectacle, devenant des ombres hélas bien sonores pour les autres auditeurs.
Édith Canat de Chizy a conçu une pièce mixte à l'atmosphère aussi sombre et envoûtante que le conte, où les percussions de Florent Jodelet occupent une place centrale. L'œuvre joue sur les strates sonores, certaines percussions étant diffusées électroniquement en même temps que le musicien joue sa partition. Ce dernier est également filmé et se mêle ainsi à la chorégraphie sur les murs de l'Espace de projection. Le travail de spatialisation permet au spectateur d'être immergé non seulement dans le mouvement des danseurs mais aussi dans la musique. C'est donc à une expérience immersive et sensorielle totale que nous convie l'Ircam jusqu'au 13 juin. On ressort de la salle en regrettant d'avoir peut-être manqué un peu d'émotions mais fascinés par la réussite et la cohérence artistique et technologique de ce projet.
Crédits photographiques : © Quentin Chevrier
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