Concerts, Festivals, La Scène, Musique de chambre et récital

Ismaël Margain et Ryan Wang enchantent Les Nocturnes du Piano

Plus de détails

Cagnes-sur-mer. Hippodrome de la Côte d’Azur. 5-VII-2025. Festival Les Nocturnes du piano. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en do mineur K. 396, Rondo en fa majeur K. 494, Fantaisie en ré mineur K. 397 ; Claude Debussy (1862-1918) : Estampes, Bruyères (Préludes livre 2) ; Ismaël Margain (né en 1992) : Frimas des songes, Komorebi, Pins parasols ; George Gershwin (1898-1937) : trois Préludes et improvisations sur ses standards de jazz. Ismaël Margain, piano
6-VII-2025. Frédéric Chopin (1810-1849) : Polonaise-Fantaisie op. 6 ; Valse op. 34 n° 1 ; Nocturne op. 62 n° 1 ; Ballade op. 52 n° 4 ; Polonaise op. 53 ; Mazurkas op. 59 ; Variations sur La ci darem la mano op. 2. Ryan Wang, piano

Partager

Le Festival Les Nocturnes du Piano parrainé par Philippe Bianconi invite chaque année six pianistes de la jeune génération. Sa quatrième édition s'est achevée à Cagnes-sur-Mer avec et .

Créé il y a quatre ans par Christine Gastaud, le festival Les Nocturnes du piano s'est installé dans un lieu insolite : l'hippodrome de la Côte d'Azur. Imaginez un piano au pied des tribunes d'un champ de courses de 60 hectares, la ligne bleue de la Méditerranée à l'horizon, une simple scène surplombée d'une structure métallique supportant des projecteurs. Acoustique impossible pensez-vous… Eh bien pas le moins du monde ! Le son du piano, contenu dans l'espace circonscrit, est renvoyé par les vitres des salons de l'hippodrome, le vaste auvent de béton en surplomb de la tribune l'empêchant de se disperser. Quel que soit le gradin, l'auditeur se trouve alors au meilleur endroit pour écouter la musique qui sonne magnifiquement. Un dispositif d'amplification est prévu seulement en cas de vent. 

De la douceur de l'air du soir cagnois, a saisi l'atmosphère. Estival, de blanc vêtu, il enchaîne un programme qui lui ressemble, fluide, léger, d'une séduisante saveur. En première partie, des deux Fantaisies en do mineur de Mozart il a choisi la moins connue (K. 396), à partir de laquelle il construit un triptyque avec le Rondo en fa majeur K. 494, et la Fantaisie en ré mineur K. 397, comme une sonate recomposée. D'un toucher raffiné, il en saisit la subtilité des dissonances, des ornements et en apprivoise le discours avec naturel, atteignant cette apparente simplicité à laquelle il est si difficile d'accéder chez Mozart. Son jeu est fin, ingénu parfois, joliment perlé, aimable dans le Rondo, sans affect et spontané comme s'il s'agissait d'une improvisation dans la Fantaisie en do mineur. Les Estampes de Debussy qu'il joue ensuite possèdent le même raffinement : sérénité et douceur des sonorités de Pagodes, subtile stylisation de la Soirée dans Grenade, et pointillisme aérien de Jardins sous la pluie. La seconde partie du concert, qui commence dans la même veine avec les couleurs de Bruyères de Debussy, nous maintient dans ce bain de douceur sereine, de calme poésie, dans une écoute tout confort. Le pianiste mêle aux trois Préludes de et quelques uns de ses standards de jazz  (Embraceable you, Someone to watch over me) ses propres compositions : des miniatures sonores inspirées de trois tableaux d'un peintre slovaque, la première (Frimas des songes) contemplative et mélancolique, la deuxième (Pins parasols) dans l'esprit du jazz, et la troisième (Komorebi) évoquant un paysage automnal japonais qui, par ses plans sonores, fait penser à Cloches à travers les feuilles de Debussy. Le concert est fort apprécié du public, tout comme la personnalité de l'artiste tournée depuis toujours vers le répertoire classique tout autant que vers le jazz, prolongé de quatre bis empruntés à cette esthétique. 

Dernière soirée avec , qui avait remporté à quatorze ans le premier Grand Prix Samson François, quatre ans auparavant dans ce même lieu. Le vent a à peine faibli. Il a fallu une heure plus tôt arrimer et adapter le dispositif d'éclairage de la scène. Le jeune pianiste canadien qui depuis sa victoire au concours est demandé partout, est revenu donner un programme tout Chopin. Dès les premiers accords de la Polonaise-Fantaisie op. 6, il capte l'écoute par une présence immédiate, un charisme, une affirmation du son, du propos musical. Dans une économie de gestes, le jeu très ancré dans le clavier qu'il empoigne et sculpte, servi par une technique d'une solidité sans faille, il présente une vision déjà très aboutie musicalement et stylistiquement des œuvres du compositeur. Tout est pris en compte : le chant, la vocalité, les respirations, cela de façon magistrale avec une grande maturité. La Valse op. 34 n° 1 n'est pas le terrain d'une simple et superficielle performance digitale, mais une pièce de grand caractère, que le son plein, le jeu vigoureux souligné d'une pédale subtilement dosée, mettent en valeur. Le Nocturne op. 62 n°1 est remarquable par la beauté de sa ligne de chant. La Ballade op. 52 n° 4 est jouée sans affectation. Le pianiste énonce avec une grande sobriété son chant initial, sans d'emblée livrer tout d'elle, mais dans une progression de discours très construite et tenue… un rien trop peut-être. La bravoure, l'allure, la puissance de la Polonaise op. 53 laissent place aux Mazurkas op. 59 dont la dernière esquisse une valse. Les Variations sur « La ci darem la mano » sont un feu d'artifice de traits, d'ornementation, de virtuosité, exploitant toutes les ressources techniques pianistiques dont fait son miel avec beaucoup d'esprit, nous emmenant pour certaines sur la scène d'un théâtre. Indifférent au vent qui gonfle sa chemise et souffle sur les cordes, il donne trois bis tous aussi superbes : l'Étude op. 25 n° 11, le Liebestraum n° 3 de Liszt, et le laconique et charmant Prélude op. 28 n° 7 de Chopin sur lequel il referme le clavier.

L'an prochain, autour du traditionnel récital de son parrain Philippe Bianconi, le festival accueillera comme il se doit six jeunes interprètes dont Diana Cooper, la lauréate du Concours Samson François 2025.

Crédit photographique © Jany Campello/ResMusica

(Visited 178 times, 1 visits today)
Partager

Plus de détails

Cagnes-sur-mer. Hippodrome de la Côte d’Azur. 5-VII-2025. Festival Les Nocturnes du piano. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en do mineur K. 396, Rondo en fa majeur K. 494, Fantaisie en ré mineur K. 397 ; Claude Debussy (1862-1918) : Estampes, Bruyères (Préludes livre 2) ; Ismaël Margain (né en 1992) : Frimas des songes, Komorebi, Pins parasols ; George Gershwin (1898-1937) : trois Préludes et improvisations sur ses standards de jazz. Ismaël Margain, piano
6-VII-2025. Frédéric Chopin (1810-1849) : Polonaise-Fantaisie op. 6 ; Valse op. 34 n° 1 ; Nocturne op. 62 n° 1 ; Ballade op. 52 n° 4 ; Polonaise op. 53 ; Mazurkas op. 59 ; Variations sur La ci darem la mano op. 2. Ryan Wang, piano

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.