Reinoud van Mechelen exhume deux œuvres majeures de Clérambault
Après s'être intéressé aux cantates solistes de Clérambault, le haute-contre et chef belge Reinoud van Mechelen se penche sur la musique sacrée du même compositeur à savoir son unique oratorio ou histoire sacrée, L'Histoire de la femme adultère et son Te Deum avec son ensemble A Nocte Temporis.

Méconnu de nos jours et bien qu'il ne rencontrât pas un immense succès en son temps, par défaut d'une vraie tragédie lyrique créée à l'Académie Royale de Musique, Nicolas Clérambault est pourtant un auteur clé dans l'évolution du langage musical de Lully, vers celui de Rameau. Avec plus de deux cents numéros, l'œuvre de Clérambault offre une grande variété qui s'équilibre entre les domaines profane et religieux avec des pièces de clavecin et d'orgue, des sonates, des airs, des cantates, des petits et grands motets et de la musique spirituelle. Ses nombreuses cantates en ont fait le plus grand maître en France au début du XVIIIe siècle. Après les nombreux oratorios ou histoires sacrées de Marc-Antoine Charpentier dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le genre semble délaissé.
Reinoud van Mechelen nous offre le premier enregistrement de l'oratorio Histoire de la femme adultère, qui se souvient des histoires sacrées de Charpentier, lequel s'inspirait du modèle de l'oratorio romain en latin établi par Carissimi, avec un narrateur, quatre courts rôles solistes et un grand chœur concluant chacune des deux parties. L'épisode est tiré de l'Évangile selon saint Jean (VIII, 3-11) où Jésus met dans l'embarras des juifs voulant lapider une femme surprise en état d'adultère : « Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre ! ».
Fidèle à sa façon, Reinoud vans Mechelen dirige avec autant de souplesse et de naturel qu'il chante le rôle du Christ, avec finesse, une grande attention à la prosodie et à la richesse du contrepoint, lissant toutefois l'aspect dramatique du propos. Pour le rôle bref de la femme adultère, il a fait appel au généreux soprano de Gwendoline Blondeel, qui incarne au mieux la contrition, puis la reconnaissance. Les deux juifs accusateurs sont respectivement interprétés avec conviction par le ténor anglais Guy Cutting et le baryton Samuel Namotte, tandis que la basse Cyril Costanzo campe un historien évangéliste des plus crédibles. Avec un effectif de seize instrumentistes, l'ensemble A Nocte Temporis, qui s'appuie sur un continuo de haute tenue, mène l'ensemble avec efficacité et une belle suavité sonore. Par ses deux interventions, le Chœur de chambre de Namur révèle son excellence coutumière. Il sera plus à son affaire dans le Te Deum qui suit.
Un Te Deum bien pacifique
Postérieur d'une vingtaine d'années, le Te Deum à grand chœur a été composé pour la dédicace et la consécration de de la reconstruction de l'église Saint-Sulpice à Paris en 1745. La musique de Clérambault avait déjà ponctué les cérémonies saluant les différentes étapes de ce vaste chantier. Il s'était inspiré d'un premier Te Deum à trois parties, pour composer sa pièce religieuse la plus fastueuse par son étendue et son instrumentation. Si l'orchestre de 1745 n'a plus la densité du style français à cinq parties, on apprécie une écriture légère, colorée et d'une fine élégance, où hautbois et bassons font toutefois défaut dans un paysage sonore d'une maigreur certaine. Pour un grand motet dans la filiation de Lully, Clérambault a substitué la pompe de circonstance par une poésie presque bucolique où l'on retrouve parfois l'atmosphère intime des cantates.
Avec le même effectif instrumental que pour l'oratorio précédent, l'interprétation, certes investie de Reinoud vans Mechelen, semble maigrelette et d'une certaine fadeur un peu feutrée pour la solennité attendue. Malgré l'implication des chanteurs, irréprochables, dans les airs solistes, les duos ou les trios, sans oublier les belles interventions du Chœur de chambre Namur, cette version du Te Deum manque de souffle, de mordant et de tonus.
Il n'en demeure pas moins que cette parution nous permet de redécouvrir deux œuvres majeures de Clérambault, même si l'on aurait aimé un Te Deum plus guerrier et solennel.
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