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Festival Enescu 2025 : Œdipe mis en scène par Stefano Poda

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Bucarest. Opera Națională București. 15-IX-2025. George Enescu (1881-1955) : Œdipe, tragédie lyrique en 4 actes et 6 tableaux, sur un livret d’Edmond Fleg. Mise en scène, décors, costumes, lumières & chorégraphie : Stefano Poda. Directeur Associé : Paolo Giani. Assistantes : Paula Stoica & Claudia Machedon. Assistant Chorégraphie : Silvia Sisto. Coordinateurs de Ballet : Monica Petrică, Antonel Oprescu. Avec : Ionuț Pascu, Œdipe ; Ruxandra Donose, Jocaste ; Ramona Zaharia, Sphinge ; Vazgen Gazaryan, Prêtre ; Paul Curievici, Laios ; Adrian Sâmpetrean, Créon ; Kaarin Cecilia Phelps, Antigone ; Alexei Botnarciuc, Tiresias ; Andrei Lazăr, Pâtre ; Daniel Filipescu, Thésée ; Andreea Iftimescu, Mérope ; Damian Vlad, le Veilleur ; Zoica Șohterus, femme thébaine ; Leonard Bernad, Phorbas. Corul Operei Naționale București (Chefs de Chœur : Daniel Jinga, Adrian Ionescu). Corul de Copii al Operei Naționale București (Chef du Chœur d’Enfants : Smaranda Morgovan). Orchestra Operei Naționale București, direction musicale : Tiberiu Soare.

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Pendant l'édition 2025 de l'un des festivals les plus intéressants d'Europe, par la densité des programmes et la qualité des artistes invités, était repris l'unique opéra de , Œdipe, dans une production de 2023 de . 

Le lendemain d'une Lady Macbeth de Mtsensk en concert dans la grande Salle du Palais de Bucarest, Œdipe était donné à l'Opéra National dans la mise en scène de créée en décembre 2023. Dans un unique décor dessiné par le metteur en scène, la tragédie lyrique d'après le célèbre drame de Sophocle trouve une présentation assez simpliste. Entourés d'yeux, les protagonistes sont en permanence regardés, jusqu'à ce qu'un grand œil apparaisse au centre au troisième acte, détruit par les coups d'Œdipe au moment où il se rend aveugle.

Si la Grèce antique est bien invoquée, notamment par des inscriptions comme la « Nécessité » (ΑΝΑΓΚΗ) inscrite sur un grand couteau descendu du plafond, ou comme « l'apprentissage par la souffrance » (ΠΑΘΕΙ ΜΑΘΟΣ) notée sur les manteaux du chœur, plusieurs autres textes, dont ceux de la banderoles en surplomb tout au long de la représentation, mêlent des hiéroglyphes ou des signes bouddhiques pour rappeler l'universalité de l'histoire d'Oedipe, surtout connue aujourd'hui dans la société occidentale par son appropriation freudienne. Pour le reste, on tombe vite dans les travers d'un Poda assez peu inspiré, qui en plus de mettre de nombreux figurants, danseurs ou membres du chœur à moitié nus et blanchis à la chaux la plupart du temps à terre et rampants, noie la lisibilité du livret par le fait que tous les costumes se ressemblent, et démarquent donc trop peu un Créon d'un Thésée, ou Antigone de la Sphinge.

Les chanteurs permettent malgré tout de comprendre la plupart du temps qui est qui, mais pas plus que les surtitres uniquement en roumains, le choix de la version française malgré une distribution très roumaine n'apporte de secours, au risque de rendre l'ouvrage encore plus linéaire qu'il ne l'est. Évidemment, on connait bien l'œuvre, qu'il s'agisse des pièces Œdipe Roi et Œdipe à Colone de Sophocle, des adaptations de Sénèque et Corneille ou du livret d'. Mais ce dernier, tellement focalisé sur le rôle-titre qu'on a souvent considéré cette tragédie lyrique comme un monodrame, impose justement à la mise en scène de bien démarquer chacun des rôles tout autour. Musicalement aussi, Enesco semble perdu entre l'opéra français (il ira comme Saint-Saëns chercher l'inspiration dans le Sinaï pendant la composition) et les grands ouvrages wagnériens (sans doute le meilleur, le dernier acte transpire Parsifal). Alors, on louera comme il se doit tout d'abord le rôle-titre, car même si fatigue légitimement à la fin de l'œuvre, il livre une prestation de grande tenue, très impliqué scéniquement, en plus d'être l'un des seuls parfois compréhensible. Tirésias s'en sort aussi avec le français grâce à la basse , qui fait preuve de beaux graves pour rappeler à Œdipe la prophétie qui l'attend, en l'enjoignant à ne pas rire des aveugles. Homogène, le reste de la distribution laisse surtout ressortir l'Antigone bien timbrée à l'aigu de la soprano et le Créon de belle stature de la basse , ainsi que le Prêtre aux graves pleins de .

Au dernier acte, du sable coule imperturbablement du plafond vers un grand tas central, signe du temps qui s'écoule et conduit inéluctablement vers un destin programmé par les dieux. Autour, les Euménides d'abord mourantes au sol finissent par se lever, par se redécouvrir et par suivre comme un guide l'aveugle dont l'âme est redevenue pure. Si ce n'est sur la compréhension du texte, le chœur de l'opéra (Corul Operei Naționale București) préparé par Daniel Jinga et Adrian Ionescu est bien galvanisé jusque dans les derniers instants et semble apprécier de chanter cet ouvrage national. En fosse, l'orchestre () dirigé par s'en sort honorablement, avec quelques défauts dans les cuivres, sans pouvoir de toute façon offrir plus qu'elle ne comporte à cette partition destinant l'ouvrage à rester avant tout joué en Roumanie, même si quelques grandes maisons internationales comme l'Opéra de Paris s'y sont essayé ces dernières années.

Crédits photographiques : ©Andrei Gindac

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Bucarest. Opera Națională București. 15-IX-2025. George Enescu (1881-1955) : Œdipe, tragédie lyrique en 4 actes et 6 tableaux, sur un livret d’Edmond Fleg. Mise en scène, décors, costumes, lumières & chorégraphie : Stefano Poda. Directeur Associé : Paolo Giani. Assistantes : Paula Stoica & Claudia Machedon. Assistant Chorégraphie : Silvia Sisto. Coordinateurs de Ballet : Monica Petrică, Antonel Oprescu. Avec : Ionuț Pascu, Œdipe ; Ruxandra Donose, Jocaste ; Ramona Zaharia, Sphinge ; Vazgen Gazaryan, Prêtre ; Paul Curievici, Laios ; Adrian Sâmpetrean, Créon ; Kaarin Cecilia Phelps, Antigone ; Alexei Botnarciuc, Tiresias ; Andrei Lazăr, Pâtre ; Daniel Filipescu, Thésée ; Andreea Iftimescu, Mérope ; Damian Vlad, le Veilleur ; Zoica Șohterus, femme thébaine ; Leonard Bernad, Phorbas. Corul Operei Naționale București (Chefs de Chœur : Daniel Jinga, Adrian Ionescu). Corul de Copii al Operei Naționale București (Chef du Chœur d’Enfants : Smaranda Morgovan). Orchestra Operei Naționale București, direction musicale : Tiberiu Soare.

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