Daniel Harding dirige le 1er acte de La Walkyrie à Paris
Pour son retour devant l'Orchestre de Paris, Daniel Harding propose une direction souple à un programme constitué de trois ouvrages sans liens réels, où le Prélude de La Khovanchtchina puis Tapiola mettent en exergue la chaleur de l'ensemble, avant un Acte I de La Walkyrie d'une superbe vitalité.
Si l'on peut se demander à la fin du mandat de Klaus Mäkelä si l'Orchestre de Paris a perdu en transparence, il semble qu'il a gagné en volume, comme on peut l'entendre même lorsqu'il est repris par son ancien directeur musical dès la première pièce du programme. Magnifiques, les flûtes et la clarinette solo ajoutent leur clarté à la chaleur de l'ensemble pour le Prélude de La Khovanchtchina de Moussorgski, bien emmené par la direction très fluide de Daniel Harding.
Visiblement plus serein depuis quelques années, où il partage une activité de pilote de ligne chez Air France et la direction musicale de l'orchestre romain de la Santa Cecilia, Harding semble se poser moins de questions sur le podium. Ainsi, une œuvre aussi complexe que Tapiola en ressort avec toute la finesse de sa direction, mais aussi avec de vraies ruptures et des moments très sensibles. Dernière pièce symphonique achevée du compositeur, Tapiola est à Sibelius ce que l'Adagio de la Symphonie n°10 est à Mahler. Mais si la mort interrompt le second, c'est un silence de trente années qui attend encore le Finlandais, après avoir lui aussi poussé le romantisme et la musique tonale dans leurs plus complexes retranchements. Avec de très bons cors et de superbes cordes, Harding peut offrir à cette partition, et tout particulièrement à sa coda, de grands élans toujours rompus et interrompus par la nature troublée de l'écriture de la pièce.
En seconde partie, l'orchestre s'est encore renforcé. Il comporte autant de premiers que de seconds violons (seize par groupe), huit cors dont quatre doublés en Wagner-Tuben et pas moins de quatre harpes. Souvent terne face à la référence absolue enregistrée par Karajan (que Boulez n'avait d'ailleurs pas hésité à appeler avant de diriger le Ring à Bayreuth, pour lui demander comment il avait réussi à apporter une telle dynamique dans cette partie), le Prélude de l'Acte I de La Walkyrie est pour ce premier des deux soirs parisiens une merveille de célérité et de dynamique. Moins tendue tout de même que dans la version précitée, cette introduction rappelle par ses couleurs et sa souplesse la présence d'un orchestre français, et par le style léger celle du chef britannique.
Entrés en scène au moment de commencer à chanter, le Siegmund de Jamez McCorkle et la Sieglinde de Miina-Liisa Värelä exposent devant l'orchestre deux connaisseurs de leurs rôles, aptes à le jouer et le chanter sans partition. Mais si le premier l'a pris pour la première fois en intégralité seulement cet été à Santa Fe, la seconde chante déjà souvent Brünnhilde, avec laquelle elle réapparaîtra en 2026 dans le Ring de Munich, ou encore dès le mois prochain avec Harding et le ténor à Rome. Et en effet, par sa puissance, la soprano fait déjà bien plus penser à la fille de Wotan qu'à l'épouse de Hunding. Avec de longs « Wälse », le ténor montre qu'il peut prétendre sans férir aux grands rôles wagnériens. Il affiche un Siegmund jeune mais moins juvénile qu'attendu dans le timbre, avec une voix relativement posée sur le médium, dont le style au Winterstürme semble lorgner encore vers le romantisme des lieder de Schubert.
D'une ampleur à remplir deux fois la grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, Stephen Milling en impose toujours autant par la stature et par la plénitude de ses graves. Il campe ici un Hunding idéal, là où les amants auraient pu trouver plus de sensibilité, d'autant que celle-ci se ressent bien dans l'orchestre et dans la direction. De l'Orchestre de Paris, il faut louer la très belle petite harmonie et d'excellents cors, mais surtout de magnifiques violoncelles, à commencer par le premier de Stéphanie Huang, à se pâmer de beauté.









