Une lecture musicale des Liaisons Dangereuses par Anne Marie Dragosits
Un programme de pièces de clavecin du XVIIIe siècle pour illustrer le célèbre roman épistolaire de Choderlos de Laclos, comme autant de lettres en musique : voilà le beau projet de la claveciniste autrichienne Anne Marie Dragosits.
Les Liaisons Dangereuses est une œuvre littéraire majeure de la fin du XVIIIe. Ce chef d'œuvre de la littérature française a inspiré de très nombreuses adaptations, en particulier cinématographiques. L'histoire oppose un couple de libertins (Merteuil/Valmont) à leurs potentielles conquêtes amoureuses, et se terminera en drame par la mort de Valmont, tué en duel par le Chevalier Danceny. Anne Marie Dragosits est coutumière de donner un fil conducteur à ses programmes : après la mythologie en 2019 et le thème du sommeil en 2022, elle s'attache donc aujourd'hui à l'illustration du plus célèbre des romans épistolaires. Comme pour ses précédents disques, elle choisit les sonorités d'un clavecin historique : ici le Christian Koll lyonnais de 1770, aux basses chaudes et profondes.
Le programme s'ouvre par une galerie de portraits des cinq principaux protagonistes de l'histoire, chaque pièce illustrant le caractère des personnages : Claude Balbastre pour la Marquise de Merteuil, Forqueray pour la Présidente de Tourvel, Armand-Louis Couperin pour Valmont, Cécile de Volanges et Danceny. Puis Anne Marie Dragosits déroule son synopsis en choisissant d'illustrer au fil des lettres les moments les plus forts de l'histoire. Le livret d'accompagnement reprend judicieusement les extraits du texte lié à chaque pièce, faisant ainsi de chacune une musique à programme. Ainsi la mort de Valmont est associée à une pièce très descriptive de Christophe Moyreau intitulée Le Purgatoire, où des chromatismes saisissants nous font ressentir la douleur et la souffrance. Le délire amoureux final de la Présidente de Tourvel est illustré par le célèbre Vertigo de Pancrace Royer. L'interprétation des pièces décrivant les émotions des personnages féminins est particulièrement éloquente et habitée. Comme pour la conclusion d'un opéra, Anne Marie Dragosits choisit de terminer son programme par une grande chaconne du trop méconnu Bernard de Bury, une magnifique découverte. C'est une autre qualité de ce programme que de nous donner à entendre des compositeurs trop rarement enregistrés comme Armand-Louis Couperin, Pierre Février, Christophe Moyreau et Bernard de Bury. Anne Marie Dragosits nous offre une lecture sensible et très personnelle de ce répertoire qu'elle maîtrise parfaitement.









