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Le mystère Oskar C. Posa, résurrection d’un compositeur injustement oublié

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Oskar C. Posa (1873-1951) : Albumblatt pour piano, Sonate pour violon et piano op.7, Andante pour violoncelle et piano en ré mineur, Quatuor à cordes en fa op.18, 24 lieder op.1 à op.12. Edwin Fardini, baryton ; Juliette Journaux, piano ; Eva Zavaro, violon ; Simon Dechambre, violoncelle ; Quatuor Métamorphoses. 1 coffret de 2 CD Voilà. Enregistrés à la Historischer Reistadel de Neumarkt (Allemagne) du 9 au 15 juin 2023 et dans l’hôtel de la Fondation Singer-Polignac à Paris les 3 et 4 novembre 2023. Notice de présentation de 259 pages en français et anglais, textes des poèmes en allemand, anglais et français. Durée totale : 2h:26

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Le nouveau label Voilà! ressuscite la musique de chambre et les lieder d', compositeur viennois ami de Schoenberg et Zemlinsky. Une grande découverte, fruit de quatre années de recherche.

Avant toute considération artistique, saluons l'époustouflant travail musicologique et historiographique mené par le tout jeune label Voilà! pour ressusciter, enregistrer et publier pour la première fois la musique d' (1873-1951), compositeur autrichien post- romantique, dont la musique fort personnelle dormait depuis près d'un siècle dans les tiroirs de bibliothèques et universités. Parce qu'il était intrigué par une affiche de concert de 1905 où le programme faisait se côtoyer des œuvres d'Alexandre Zemlinsky, Arnold Schoenberg et , le musicologue a voulu en savoir plus sur ce mystérieux compositeur dont aucune histoire de la musique ne faisait mention. Le début d'une incroyable enquête quasi policière et quatre années de recherche qui aboutissent aujourd'hui à ce double CD, somptueusement présenté avec un livret de plus de 250 pages où l'on apprend tout sur ce « grand mystère de la musique« .

Compositeur autrichien héritier de Brahms et Richard Strauss, co-fondateur avec Schoenberg et Zemlinsky de l'Association des compositeurs viennois, chef principal de l'Opéra de Graz, grand spécialiste du lied, Oskar C. Posa a eu le tort de s'enfermer dans une certaine solitude. Asocial, rongé par le doute, son œuvre, très exigeante techniquement, n'a guère été diffusée, et la barbarie nazie a définitivement détruit la carrière de cet artiste juif.

Pourtant, sa musique, reconnue par ses pairs, méritait largement de sortir du silence comme le prouve cette sortie discographique d'un intérêt majeur, mené par avec la complicité d'une jeune génération d'artistes, dont la pianiste , particulièrement sollicitée dans cet enregistrement.

Ce sont d'abord par les lieder que nous recommandons de débuter la découverte d'Oskar C. Posa. Sur les 80 écrits par le compositeur tout au long de sa vie, la pianiste Juliette Journeaux et le baryton en ont sélectionné 24 qui constituent la quintessence de l'œuvre du musicien. C'est un univers étonnant de richesse et de puissance que nous découvrons, d'une écriture très expressive et dense, où le piano impose une présence très forte, de véritables petits opéras en miniature qui n'ont rien à envier aux lieder de Gustav Mahler ou Richard Strauss, la puissance orchestrale en moins.  Comment résister au tellurique Ende op.1 n°4, aux délicieuses miniatures de l'opus 3, à l'impressionnant Beschwichtigung op.4 n°3, véritable Liebestod de chambre, au glaçant et moderniste Die gelbe Blume Eifersucht op.6 qui annonce Alban Berg, ou encore les sombres Soldatenlieder op.8 ? Autant de pièces majeures, aujourd'hui magnifiées par le timbre de bronze du baryton et le jeu assuré de , qui place Oskar C. Posa aux côtés d'un , beaucoup plus connu.

La musique de chambre de Posa n'est sans doute pas du même niveau que ses lieder mais mérite également d'être redécouverte. Notamment l'impressionnante Sonate pour violon et piano op.7 de 1901. L'œuvre a été incomprise lors de sa création à la suite d'une interprétation apparemment approximative. Il est vrai que cette sonate, qui semble se transformer sans cesse, est d'une difficulté technique inouïe. Rendons grâce à la violoniste et à au piano, de venir à bout avec panache de cette partition arachnéenne. Le premier mouvement, allegro moderato, n'est pourtant constitué que d'un simple motif introductif de quatre notes qui va donner naissance à un véritable torrent harmonique, une lutte acharnée entre les deux instrumentistes qui doivent aller au bout d'eux-mêmes. A peine l'andante maestoso central permet-il de respirer un peu, que la course poursuite haletante reprend pour l'allegro molto final à la partie de piano redoutable. Tout cela pourrait faire croire à une œuvre épuisante. Il n'en est rien (sauf sans doute pour les interprètes…) tant Oskar C. Posa réussit à renouveler en permanence l'attention.

Au crépuscule de sa vie, à 75 ans, Oskar C. Posa va composer un unique Quatuor à cordes en fa op.18. Une œuvre entièrement portée par la nostalgie du passé, un peu anachronique par rapport à la date de sa composition (1948). Epuisé par les échecs successifs et une vie de misère, Oskar C. Posa a sans doute voulu s'offrir un dernier pan de lumière. Le Quatuor à cordes est sans doute moins passionnant que la Sonate pour violon, mais par son lyrisme naturel et le mystère de sa fuga cappriciosa finale il se laisse écouter avec plaisir. Le a relevé le défi de la résurrection de ce quatuor testamentaire en déchiffrant des manuscrits inédits. Un bel exploit, à l'image de cette première publication courageuse et utile du label Voilà et qui mérite sans doute une suite. Il reste paraît-il des œuvres orchestrales à redécouvrir. Avis aux détectives.

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Oskar C. Posa (1873-1951) : Albumblatt pour piano, Sonate pour violon et piano op.7, Andante pour violoncelle et piano en ré mineur, Quatuor à cordes en fa op.18, 24 lieder op.1 à op.12. Edwin Fardini, baryton ; Juliette Journaux, piano ; Eva Zavaro, violon ; Simon Dechambre, violoncelle ; Quatuor Métamorphoses. 1 coffret de 2 CD Voilà. Enregistrés à la Historischer Reistadel de Neumarkt (Allemagne) du 9 au 15 juin 2023 et dans l’hôtel de la Fondation Singer-Polignac à Paris les 3 et 4 novembre 2023. Notice de présentation de 259 pages en français et anglais, textes des poèmes en allemand, anglais et français. Durée totale : 2h:26

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