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Kandinsky, la musique des couleurs à la Philharmonie de Paris

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Philharmonie de Paris. Exposition Kandinsky, la musique des couleurs. du 15-X-2025 au 01-II-2026. Co-production du Musée de la musique-Philharmonie de Paris et du Centre Pompidou. Commissariat de l’exposition : Angela Lampe, conservatrice au Musée national d’art moderne – Centre Pompidou et Marie-Pauline Martin, directrice du Musée de la musique – Philharmonie de Paris ; Mikhaïl Rudy, conseiller scientifique. Scénographie : Pascal Rodriguez.

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L'exposition présentée par le Musée de la musique-Philharmonie de Paris, en co-production avec le Centre Pompidou, porte un regard renouvelé sur l'œuvre du peintre par le prisme de la musique qu'il prit pour modèle, sa vie durant, dans sa quête d'abstraction. 

S'il est une exposition à ne pas manquer cet automne c'est bien celle consacrée, à la Philharmonie de Paris, au peintre russe dont les liens avec la musique n'ont eu de cesse de nourrir sa réflexion sur l'art pictural, plaçant l'art des sons à la source même de ce dernier et de son évolution. Réunissant deux-cents œuvres et objets provenant des collections conservées au Centre Pompidou et de prêts de musées internationaux, elle propose au visiteur muni d'un casque géolocalisé un parcours immersif mettant en correspondance musique, formes et couleurs des œuvres présentées, de la figuration à la stylisation puis enfin à l'abstraction, aboutissement de la quête spirituelle de l'artiste. 

Né en 1866, le jeune Vassily, issu d'un milieu cultivé, pratique le violoncelle et l'harmonium en amateur et se destine à une carrière de juriste. Dans sa trentième année, deux évènements en décident autrement, déterminant sa vocation artistique : le choc émotionnel éprouvé devant l'une des Meules de foin de Monet exposée à Moscou, et la découverte de l'opéra Lohengrin de au Bolchoï. Partant de ces émotions fondatrices qui d'emblée posent les bases de sa confrontation des langages de la peinture et de la musique, il se forge un idéal, celui de l'œuvre d'art totale sur le modèle wagnérien. L'évocation évanescente de cet opéra dont le visiteur entend l'ouverture est le point de départ de l'itinéraire proposé par l'exposition : ses personnages et décors de scène apparaissent et disparaissent, presque fantomatiques, projetés sur de grandes toiles courbes. 

 

Kandinsky quitte alors la Russie pour Munich où il étudie la peinture. Mais il emporte avec lui le souvenir de Moscou, cette ville vibrante, toute sonore de ses multitudes de clochers, et ses premières toiles, comme cette Esquisse pour dimanche (Vieille Russie) de 1904 exposée dans la salle suivante, sont déjà, entre évocation et abstraction, des images musicales, celles de sa « patrie spirituelle et visuelle » qui restera son « diapason pictural » (in Regards sur le passé).

Ce qu'il va désormais rechercher, en s'appuyant sur le modèle abstrait des sons et de la musique, l'art le plus immatériel, c'est l'émancipation de la couleur, réinventant le modèle de la peinture qu'il développe dans Du Spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier, texte théorique qui suit sa lecture du Traité d'harmonie d', dont il découvre la musique (ses opus 10 et 11) lors d'un concert en 1911, et avec lequel il entretiendra une amitié. Le peintre fréquente les compositeurs de son temps, en particulier , avec qui il collabore dans la conception d'œuvres théâtrales libérées des conventions narratives. Mais de son approche de l'art scénique, seule sera portée à la scène de son vivant son interprétation visuelle des Tableaux d'une exposition de Moussorgsky, un des moments forts de l'exposition illustré musicalement. Il s'intéresse par ailleurs aux théories synesthétiques d', associant sonorités aux couleurs. Dans sa série de toiles d'après l'Apocalypse selon Saint-Jean, revient le motif structurant et sonore de la trompette associé à la couleur jaune. Le Poème de l'extase accompagne le visiteur qui les contemple.

Les titres de ses peintures sont dès lors empruntés au vocabulaire musical, comme ces Improvisations choisies parmi les 35 réalisées, qui explosent de leurs couleurs éclatantes, représentations stylisées montrant chevaux, cavaliers… usant de toute l'étendue chromatique à la manière de la Klängefarbenmelodie chère à Schönberg. En témoigne sa palette de peintre exposée dans un cabinet imaginaire où sont rassemblés une multitude d'objets et documents lui ayant appartenu, dont sa collection de disques vinyles, traces tangibles de sa vaste culture musicale, dont aussi ses pastels et ses pots de pigments alignés comme les notes d'une longue gamme arc-en-ciel…De la même façon que les sons musicaux, les mots, ceux de la poésie, sont appréhendés par Kandinsky vidés de tout sens, pour devenir objets acoustiques purs : il publie en 1913 son recueil de poésies Klänge (Résonances) qui participe de sa réflexion sur la synthèse des arts en marche vers l'abstraction. Il franchit un pas important dans ce sens avec Fuga (1914), fasciné comme Klee et Macke par la fugue, cette construction musicale modèle d'abstraction où chaque élément, chaque ligne conserve son autonomie. Une salle de l'exposition met en regard leurs toiles.

 

Alors qu'il rejoint en 1922 le Bauhaus, école d'art fondée à Dessau par l'architecte Walter Gropius, il met au point une grammaire de l'abstraction visuelle qu'il utilise notamment dans ses transpositions graphiques de la Symphonie n° 5 de Beethoven. L'expression devient plus formelle, géométrique, anguleuse. Plus tard, en 1931, à la demande cette fois de l'architecte Mies van der Rohe, il imagine et réalise pour l'exposition d'architecture allemande à Berlin, un salon de musique utilisant ce vocabulaire, reproduit ici dans ses dimensions d'origine, mais suivant une réinterprétation virtuelle dynamique tandis que le visiteur écoute l'un des Klavierstücke de Hanns Eisler, compositeur proche du Bauhaus. 

Accompagnées de la musique d', son émouvant Concerto à la mémoire d'un ange, les trois dernières des dix Compositions, toiles de grandes dimensions peintes par Kandinsky entre 1923 et 1939 arrivent en point d'orgue de cette exposition qui les réunit de façon inédite. D'une fraicheur intacte, comme peintes hier, elles frappent par leurs contrastes. L'enchevêtrement strident des lignes et angles de la VIII rencontre la suavité heureuse des couleurs et des rondeurs florales de la IX, tandis que de l'espace noir comme le cosmos de la X surgissent dans un effet tridimensionnel des formes intensément lumineuses. Elles sont les œuvres testamentaires du peintre, exilé à Paris depuis 1933, qui s'éteint en 1944 dans un sentiment d'accomplissement exprimé dans Regards sur le passé : « la peinture a rejoint la musique », désormais à même d'atteindre son idéal d'absolu. 

Crédits photographiques : Vernissage de l'exposition KANDINSKY, La musique des couleurs à la Philharmonie de Paris © Philharmonie de Paris

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Philharmonie de Paris. Exposition Kandinsky, la musique des couleurs. du 15-X-2025 au 01-II-2026. Co-production du Musée de la musique-Philharmonie de Paris et du Centre Pompidou. Commissariat de l’exposition : Angela Lampe, conservatrice au Musée national d’art moderne – Centre Pompidou et Marie-Pauline Martin, directrice du Musée de la musique – Philharmonie de Paris ; Mikhaïl Rudy, conseiller scientifique. Scénographie : Pascal Rodriguez.

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