Jann Gallois à Créteil, ou le triomphe des femmes puissantes
La chorégraphe prodige issue du hip-hop et désormais co-directrice de l'Agora de la danse à Montpellier a présenté à la MAC Créteil son nouvel opus Imminentes, un sextuor pour femmes créé en novembre à la MC2 Grenoble, qui va crescendo…
Parfois, dans la danse, il faut savoir attendre. Voir fleurir une œuvre qui tarde à s'épanouir. C'est le cas de Imminentes, la toute nouvelle création de Jann Gallois, qui n'a sans doute pas l'originalité de ses œuvres précédentes. On pense à son tout premier solo, P=mg, si puissant, ou bien à Reverse (pour six interprètes masculins dansant sur la tête) ou Compact ou l'art de ne jamais se séparer de son partenaire.
Comme bien souvent chez Jann Gallois, que nous avions rencontrée il y a quelques années, il y a un thème, un sujet qu'elle choisit et ne lâche plus durant tout le spectacle, permettant ainsi de creuser sa proposition avec ténacité. Ici, la thématique féminine, avec ces six danseuses en scène est évidente, mais moins originale que ses sujets précédents. D'autant que la puissance de sa danse tarde à venir avec, après une période d'approches de ces femmes, cette (trop) longue séquence de corps rapprochés, formant une corolle florale, telle six pétales de rose s'ouvrant et se refermant.
Les corps attachés, contraints, sont des images récurrents chez Jann Gallois, mais il est vrai qu'ici, l'optimisme est plus fort. On comprend vite que la sororité rapproche, crée des liens (au sens propre du terme) indestructibles. Les bras reliés entre eux deviennent des branches connectées ou des chaines d'usine en mouvement, rappelant ainsi certaines danses de Moïsseiev. Les corps sont tous dépendants les uns des autres et nous amènent à prendre conscience de la sociabilité des humains, de la chaleur du corps des autres. Et puis soudain, enfin, les corps se séparent, deviennent des électrons libres. Les torses se penchent et se renversent, les filles se retiennent et se portent entre elles. Elles entrent aussi dans une mini-battle, évoluant seule dans un halo de lumière. Mais les séquences à l'unisson sont probablement les plus fortes, ponctuées par les sons électroniques originaux de Patrick De Oliveira.
Et c'est là que l'on prend alors pleinement conscience des superbes qualités des danseuses que Jann Gallois a réuni et qui ne se connaissaient pas. Fortes et féminines à la fois, puissantes et troublantes, toujours d'une belle douceur, elles se font filles, femmes, nymphes, meneuses, capables d'exister par elles-mêmes mais toujours plus fortes en troupe. Et sans jamais que l'une ne domine l'autre.
En ce sens, Jann Gallois a raison de nous dessiner ce souffle féminin qui est en marche mais néanmoins toujours immensément fragile. Et l'on ne peut s'empêcher de voir, dans ce travail du collectif parfait, un symbole de ce qui attend aujourd'hui la jeune chorégraphe au succès foudroyant (13 ans de chorégraphie, 14 créations, deux résidences triennales au Théâtre de Chaillot et à la MAC de Créteil), qui sera au 1er janvier 2026 co-directrice avec Dominique Hervieu, Pierre Martinez et Hofesh Shechter de la Cité Internationale de la Danse de Montpellier. Jann Gallois qui franchit là un cap de géant dans la reconnaissance de son travail va continuer à expérimenter l'art du collectif en toute harmonie. Sans doute Imminentes était-il une entrée inconsciente dans ce nouveau monde ?

















