Découvrir les mélodies de Donizetti avec Ermonela Jaho
Avec les volumes 5 et 6, Opera Rara poursuit sa passionnante et utile publication des mélodies du maître du bel canto, en italien et en français, avec Ermonela Jaho.
Tous les mélomanes savent que Donizetti a écrit plus de 70 opéras pendant sa courte vie (il est mort à 50 ans) dont beaucoup attendent toujours d'être exhumés. Mais on ignore souvent qu'il a également écrit quantité de messes, motets, « sinfonias », une vingtaine de quatuors, et près de 200 mélodies ou œuvres vocales de chambre. Déjà les quatre premiers « volumes » de l'intégrale projetée des mélodies sont sortis, avec Lawrence Brownlee, Michael Spyres et Marie-Nicole Lemieux. Voici maintenant dans un seul coffret les volumes 5 et 6, avec la soprano Ermonela Jaho et le chef Carlo Rizzi lui-même au piano.
La découverte, pour l'amateur de bel canto comme des mélodies françaises, est très intéressante, car si le volume 5 est en italien, le volume 6 est entièrement en français. Sans aller jusqu'à prétendre que ces mélodies préfigurent ce que feront plus tard Meyerbeer et Massenet, il y a une évidente similitude dans le traitement des textes, qui sont des poésies simples et émotives. Le chant très mélodique reste collé au premier degré, et l'écriture pianistique, peu développée, ne décolle pas de sa fonction d'accompagnement. Le chant règne en maître. Prima la musica ? Non : prima il bel canto ! Ce sont des berceuses, des mini-drames, des danses, des romances, des cantates de salon, des chansons napolitaines, etc. Ni lieder version italienne, ni mélodies à la française, mais un joyeux fourre-tout de pièces chantées, qui témoigne d'une fascinante inventivité mélodique, et extrêmement agréable à écouter. Le première berceuse Dormi fanciullo mio est d'une rare délicatesse, et le Lamento sur la mort de Bellini est un délice de raffinement et de simplicité.
Ermonela Jaho a une très belle voix, longue, souple, pulpeuse, parfaite pour Liu et Violetta. Elle a un petit vibrato très serré qui peut s'avérer fatigant à la longue, mais ses demi-teintes, ses pianissimi sont à ravir. Son élocution est assez bonne en italien, malgré un léger manque de projection. En revanche, son français est complètement étouffé, et il est rare de reconnaitre un mot sans lire le livret. Cela nuit un peu à la caractérisation des différentes pièces, et ce sont les mêmes pianissimi extasiés qui expriment la joie d'une mère et la tristesse d'une amante délaissée. Malgré ces réserves, c'est du très beau chant, et Carlo Rizzi l'accompagne avec un piano très clair, aussi expressif que possible, même s'il est souvent obligé de se limiter à planter des clous ou égrener des arpèges.
Extrêmement bien documenté, le livret rend encore plus stimulante cette entreprise de redécouverte du compositeur bergamasque, chaque mélodie étant commentée, expliquée, contextualisée et traduite. Souhaitons bon courage à Roger Parker, chercheur et spécialiste de Donizetti, et à Carlo Rizzi pour la poursuite de leur travail. Il reste tant à faire !









