Rencontre en blanc et noir entre Daniel Lozakovich et Mikhaïl Pletnev
Les sonates pour violon de César Franck et Edvard Grieg sont au cœur du premier disque en commun du violoniste Daniel Lozakovich et du pianiste Mikhaïl Pletnev. Rencontre pour un récital en blanc et noir.
Un vieux lion et un jeune tigre… Deux générations séparent Mikhaïl Pletnev (67 ans) de Daniel Lozakovich (23 ans). Le jeune violoniste voue un culte au pianiste et chef d'orchestre, avec qui il partage la scène depuis plusieurs années. Mais ils n'avaient encore jamais enregistrés ensemble.
C'est désormais chose faite avec ce premier album chez Warner Classics où le fil conducteur de ce récital relie la célébrissime Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck et la Sonate pour violon et piano n°3 en ut mineur d'Edvard Grieg. Deux œuvres composées l'une et l'autre en 1886, toutes deux traversées par un même sentiment du tragique, mais aux styles fort opposés.
Sur un magnifique Stradivarius ayant appartenu à Ivry Gitlis, on sent le jeune Daniel Lozakovich à la fois investi et impressionné par son partenaire, qui pourtant ne tire jamais la couverture à lui. Cette sensation de retenue, entre blanc et noir, parcourt tout le récital. A l'image de la pièce d'ouverture, la discrète et émouvante Chanson de Solveig extraite du Peer Gynt d'Edvard Grieg, transcrite par Daniel Lozakovich. Cette introduction toute en pudeur éclaire de fait d'une certaine grisaille nordique la sublime Sonate de César Franck qui lui succède. L'œuvre, dont on dit qu'elle a inspiré la fameuse petite phrase de la Sonate de Vinteuil évoquée par Marcel Proust, est en effet tout entière irriguée par une même mélodie. Daniel Lozakovich et Mikhail Pletnev unifient le chant infini de cette sonate, ne pouvant renier leurs racines russes. Les couleurs y sont plus « rachmaninoviennes » que réellement « franckistes ».
Ce sont d'ailleurs deux compositeurs russes qui servent de transition. Tout d'abord avec une ravissante Romance de Dimitri Chostakovich, puis avec la très conventionnelle Sonate pour violon en si mineur de Alexey Shor (né en 1970), transcrite par Mikhaïl Pletnev du Concerto pour violon de ce compositeur, mathématicien de profession. Avouons être resté assez indifférent à cette œuvre, certes pleine de jolies mélodies, mais sans grande substance.
Il n'en est pas de même de la Sonate pour violon et piano n°3 en ut mineur d'Edvard Grieg. Cette « tragédie de chambre » comme la définit le compositeur norvégien est une œuvre enflammée et sombre. Le violon de Daniel Lozakovich y est très engagé, le piano semblant plus en retrait (la faute à la prise de son ?). Le deuxième mouvement avec son « ample et céleste mélodie » chantée au piano est cependant un beau moment d'équilibre et de complicité entre les deux interprètes.
Avec cet enregistrement, Daniel Lozakovich explique avoir voulu rendre hommage au duo de légende constitué par Fritz Kreisler et Sergueï Rachmaninov. Sans doute le jeune violoniste souhaite-t-il à son tour entrer dans la légende ?









