Alors que concerts, colloques et publications jalonnent cette année anniversaire du centenaire Pierre Boulez, la sortie du catalogue raisonné du compositeur aux éditions de la Philharmonie de Paris fera date.

Ce somptueux ouvrage d'une envergure inattendue a été établi par le musicologue et écrivain Alain Galliari et son aréopage d'éminents spécialistes, Robert Piencikowski et Suzanne Gärtner en particulier.

Si l'on estimait à une cinquantaine d'œuvres la production d'un compositeur qui, à partir des années 1970, consacre une partie de son activité à la direction d'orchestre, ralentissant le temps de l'écriture, ce sont 112 entrées qui figurent dans ce catalogue qui se veut exhaustif. Sont recensées, en effet, toutes les partitions de la main du maître, éditées ou non (L'albatros), laissées de côté, abandonnées (Marge) ou jamais exécutées (Sonate pour deux pianos)… sous réserve, précise Alain Galliari, qu'il y ait au moins un document qui en confirme l'existence. La présentation est chronologique, des toutes premières pièces dont l'année 1942 n'est que présumée, aux manuscrits collectés post-mortem dans les différents domiciles du compositeur, à Paris et Baden-Baden. Sont également prises en compte les différentes versions d'une même œuvre – six entrées pour … explosante-fixe… – dans la mesure où chacune des partitions s'autonomise, éclairant ainsi le processus du work in progress cher au compositeur. Alain Galliari en signale la trajectoire par un système de flèches qui permet de visualiser la ligne généalogique des différentes versions.

Dans un dégradé de couleur très harmonieux qui délimite chaque partie (Rick Backer et Paul Dagorne sont les graphistes), l'ouvrage s'articule en sept chapitres dont les titres empruntent parfois à ceux du maître, œuvres ou écrits confondus : Relevé d'apprenti (I), L'artisanat furieux (II), Auprès et au loin (VI), etc. Chaque notice d'œuvre est établie selon les mêmes critères (date, durée, effectif, sous-titres, éditeur, sources, création, etc.). Elle est introduite par un texte court sur la genèse de l'œuvre, le contexte de son écriture ou un point saillant de sa réalisation, textes de présentation dont Alain Galliari partage la rédaction avec une vingtaine de collaborateurs. La notice s'enrichit parfois des propos du compositeur, extraits de sa correspondance avec René Char, Pierre Souvtchinsky, Célestin Deliège, Henri Pousseur, Karlheinz Stockhausen, etc. ainsi que d'entretiens avec bon nombre de musicologues et journalistes. Schémas, esquisses, brouillons et pages manuscrites issus de la Fondation Sacher, de la BnF et d'autres fonds en complètent la présentation. Les chapitres se referment sur les bibliographies ou « études dédiées » pour chacune des œuvres citées. Approche scientifique et documents précieux dressent ainsi un portrait aux multiples facettes où se profilent le compositeur mais aussi le chef d'orchestre, l'écrivain, le penseur que fut Pierre Boulez.

La richesse et la beauté de l'iconographie (l'image y est de grande qualité) en témoigne généreusement – voir au centre du catalogue, Wotan devant l'incendie du Walhalla ! – et stimule d'autant l'intérêt de la lecture. Du bambin à l'air bougon, avec sa mère Marcelle, son père Léon et sa sœur Jeanne (les photos de 1930 sont d'anthologie !) au jeune Boulez (1958) concentré sur son papier à musique (un des plus beaux portraits), du pianiste faisant face à Yvonne Loriod lors de la création des Structures (1951) au chef d'orchestre en train de diriger Le Sacre du printemps, ou encore cette photo du compositeur de Répons en dialogue avec son RIM Andrew Gersaw – ou au côté de Bartabas… L'ouvrage de référence s'adressant à un large public (chercheurs, musiciens, mélomanes, etc.) s'apprécie également comme un livre d'art.

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