Une après-midi sous le souffle du vent à Chaillot
C'est à une plongée particulièrement créative et voyageuse que les spectateurs étaient invités à Chaillot avec deux pièces pleines de surprises : Research d'Ola Maciejewska, qui nous a enveloppé dans le souffle des voiles, et Nomads de Stav Struz Boutrous, dans celui des steppes d'Asie centrale.

Pour la première pièce, Research d'Ola Maciejewska, nous entrons dans le foyer de la danse, baignée de lumière. Le spectateur est invité à s'installer au sol autour du tapis de danse d'un blanc éclatant. Le danseur arrive par surprise, portant dans une main un tissu noir, dans l'autre un tissu jaune. Il les dépose délicatement au sol.
Un long travail de disposition du tissu noir commence : les plis et les replis sont délicatement ordonnés et étendus pour former une immense jupe dans laquelle le danseur va se glisser. Le silence n'est brisé que par les crissements des baskets sur le tapis de danse. La jupe se transforme en montagne qui respire et progressivement se met en mouvement. Les voiles se soulèvent et s'enroulent autour du danseur. Le souffle du vêtement dans l'air pour musique nous emporte dans une poétique singulière : le danseur en étau dans le tissu sculpte des formes étranges. D'un animal avec son bec au chapeau conique et blouse du KKK ou à la Victoire de Samothrace déployant ses ailes pour terminer en croix. Après avoir délaissé le voile noir, le danseur se faufile désormais dans le voile jaune. De sautillements en poses enveloppantes, voici une fleur étalant ses pétales dans la beauté des plis. Mais ce sera finalement un animal sortant de sa chrysalide qui clôture cette danse serpentine qui a enclenché un dialogue entre oubli et invention avec les spectateurs quelque peu médusés.

Nomads, de Stav Struz Boutrous, nous emmène ensuite en voyage en compagnie des peuples qui se déplacent d'un endroit à l'autre dans les steppes battues par le vent du Caucase. Deux femmes travaillent, l'une aux champs, tandis que l'autre s'occupe de la maison. Elles se retrouvent pour s'assembler en un duo tout en douceur. Vêtues de blanc, une large ceinture autour de la taille, le ballet se déroule en longue traversée accroupie ou rampante, interrompue par les pieds frappant le sol dans un bal champêtre au son des musiques traditionnelles. Mais bientôt les poings de la révolte ou de la colère se lèvent comme pour échapper à un destin tout tracé. Les ceintures tombent et les danseuses se lovent dans un long manteau. Le souffle du vent qui rend fou entraine alors le duo dans une série de tours qui semblent les étourdir. Les martèlements des pieds reprennent ensuite de plus belle et la respiration des danseuses prend alors le dessus sur la bande sonore.
La scène s'apaise. Les manteaux sont enlevés et les danseuses s'habillent de dentelle. Le vent désormais les berce dans de langoureux mouvements au sol. Une des deux danseuses s'endort. Sa compagne l'enveloppe et attire le tapis à elle pour se nicher dans les herbes sèches déposées au sol. Le sommeil les entraine sous le bruit du vent : c'est un regard intime sur le monde de la consolation de deux femmes qui partagent le destin d'une vie d'errance dans un espace abandonné qui nous a été offert.









