Swan Lake de Liam Scarlett en DVD par le Royal Ballet : une production qui interpelle
Six ans après une première parution en 2019, avec en têtes d'affiche Marianela Nuñez et Vadim Muntagirov, Opus Arte sort une seconde captation du Swan Lake de Liam Scarlett avec Yasmine Naghdi et Matthew Ball.
Après avoir été formé à la Royal Ballet School, puis avoir dansé dans le Royal Ballet entre 2006 et 2012, Liam Scarlett devient à l'âge de 30 ans le plus jeune chorégraphe à s'être vu confier une création originale par la célèbre compagnie anglaise. C'est ensuite en 2018 que le jeune artiste crée Swan Lake, seulement trois ans avant son décès prématuré en avril 2021, à l'âge de 35 ans. Reprogrammé pour la saison 23-24 de la Royal Opera House, ce ballet réapparaît aussi en DVD et en Blu-ray chez Opus Arte.
Le spectacle démarre par un très court prologue mettant efficacement en scène la transformation d'Odette en cygne par Von Rothbart, sous la forme d'un duo statique mais énergique, simplement éclairé d'une douche de lumière blanche : une première image forte et saisissante, à laquelle succédera un défilé de décors et de costumes tous plus somptueux les uns que les autres, conçus par le talentueux John Macfarlane. En effet, en plus de peintures de fond de scène et de trompe-l'œil monumentaux aussi sombres qu'élégants, les danseurs sont affublés de riches vêtements de cour, dignes des plus grandes productions hollywoodiennes. La lumière jaune choisie pour illuminer la cour royale et baigner les tons noirs, gris, bordeaux, beiges et blancs des différentes étoffes de luxe renforce par ailleurs la dimension cinématographique de ce ballet en faisant émerger une ambiance tant onirique que tragique.
Sur l'iconique musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, Yasmine Naghdi et Matthew Ball forment un duo subtil et touchant, l'une par son expression d'un tourment sincère et pudique, l'autre par sa présence masculine douce et noble. D'une technicité impeccable, Naghdi ne se contente pas d'exécuter parfaitement les 32 fouettés d'Odile, elle y ajoute un nombre considérable de doubles tours très impressionnants. L'étoile jongle également à merveille entre différentes qualités de mouvement telles que des arabesques très tracées ou des ondulations souples de bras, caractéristiques des cygnes. Dans l'ensemble, la narration de cette version du Lac des cygnes est très efficace. Le régal visuel contribue en grande partie à captiver le spectateur.
Dans ses bonus, ce DVD nous offre un détour par un atelier de confection d'un tutu : une mise en avant appréciable de l'immense savoir-faire des costumiers de spectacle. Néanmoins, les courtes interviews réalisées auprès des artistes présentent le défaut de simplement faire réciter l'argument du ballet à ses interprètes, sans plus ample réflexion ni observations personnelles sur leur travail technique ou interprétatif.
Enfin, une volonté de rendre hommage à Liam Scarlett est évoquée, sans toutefois aborder les circonstances complexes qui entourent sa disparition, ni la position du Royal Ballet à ce sujet. En effet, la compagnie avait pris la décision de ne plus collaborer avec l'artiste en mars 2020, bien que l'enquête indépendante menée en interne par la compagnie l'eut innocenté des accusations de harcèlement sexuel dont il faisait l'objet. Par ailleurs, d'autres allégations (remontant à 2018 et 2019) avaient également, en 2021, entraîné l'annulation de représentations au sein du Théâtre royal danois, où le chorégraphe était invité, juste avant son décès. Des faits qui reposent la question de la présomption d'innocence et de la séparation entre l'homme et l'artiste. Continuer à présenter les œuvres de Liam Scarlett est un choix qui appartient entièrement au Royal Ballet, il en va de même pour les spectateurs quant à la décision de regarder ses spectacles.









