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Philippe Decouflé rattrape le temps qui passe

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Lyon. Maison de la Danse. 27-IX- 2025. Dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon. Philippe Decouflé : Entre-temps. Conception et mise en scène : Philippe Decouflé de & avec Dominique Boivin, Meritxell Checa Esteban, Catherine Legrand, Éric Martin, Alexandra Naudet, Michèle Prélonge, Yan Raballand, Lisa Robert, Christophe Waksmann. Piano: Gwendal Giguelay. Avec la participation d’un groupe de volontaires amateur·ices.

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Avec Entre-temps, présenté en clôture de la Biennale de Lyon avant d'être accueilli à La Villette, le facétieux chorégraphe ne s'attaque pas au temps qui passe, il l'embrasse avec affection. Et c'est aussi admirable que drôle, et émouvant.

Il faut chérir les chorégraphes qui savent faire rire. Ils sont si rares ! Philippe Decouflé est de ceux-là et l'on ne boude pas son plaisir dans ce spectacle paradoxal (comment faire rire lorsqu'on vieillit ?) mais magistral, où tous les sentiments et émotions se mêlent : rires, grimaces, agacements, tendresses, admirations… Mais ce qui prédomine, c'est l'affection absolue qui se dégage entre les danseurs entre eux, les danseurs et leur  chorégraphe, les artistes et les amateurs qui les regardent au fond de la scène, les artistes et le public. Il n'est pas anodin que le spectacle commence par des danseurs qui traversent la scène et n'arrivent pas à se prendre dans les bras et se termine par une scène où tous y arrivent. Entre-temps est un feel-good ballet et pourquoi s'en plaindre ?

Tout débute avec un homme en costume cintré années 60 qui rocke tout seul au son d'une platine. Il est à l'avant-scène, de profil. Il a les cheveux blancs comme Victor Hugo. Ce qui lui donne un âge certain. Mais rien qu'à l'allure, on sait, même de dos, qu'il s'agit de Philippe Decouflé. Le temps du trublion a passé. Encore que…

Le temps, c'est le sujet de sa pièce. Son obsession, son admiration. Cela lui pèse, sûrement. Mais il a justement pris le parti d'en jouer. De prendre le temps d'un spectacle de deux heures, qui file à grande vitesse. De jouer avec la pendule située à l'avant-scène, qui avance ou recule trop vite. Jouer avec ces corps plein de rides et plein de vies. Jouer avec son répertoire, qu'il reconstruit avec des allusions certaines à Decodex ou aux Petites pièces montées. Certains costumes sont là, avec ce bonnet de Philippe Guillotel, son fidèle costumier, qui va jusqu'au pied, certains accessoires aussi, comme le bâton de majorette. Le temps qui passe, c'est aussi la mort que l'on nargue, avec ce squelette invité à la table d'un café. La deuxième partie du spectacle fait beaucoup penser aux derniers opus de Pina Bausch avec ses suites de petits gags individuels.

Et puis, il y a la musique. Avec un pianiste sur scène, comme dans les cours de danse. Gwendal Giguelay sait tout jouer. Il passe de Rameau à Liszt, Bach ou Philip Glass, rejoint par les danseurs pour l'énumération à haute voix des chiffres du fameux Einstein on the Beach, en hommage affectueux à Lucinda Childs (et Bob Wilson). Sans compter son juke box personnel, avec les tubes de Madonna ou Gloria Gaynor. Le temps, c'est aussi le passé proche.

Le temps, c'est enfin la danse, et ces neuf danseurs seniors qu'il met à l'honneur. Ce sont les copains d'avant et de toujours. Ceux de sa compagnie DCA avec Meritxell Checa Esteban, Eric Martin, Lisa Robert, Christophe Waksmann… Mais aussi Catherine Legrand, ex-Bagouet, Michèle Prélonge, ex-Chopinot… Tous ces danseurs que nous aussi, spectateurs, revoyons avec joie et tendresse, défilant le temps de nos propres souvenirs. Mais surtout, il y a l'immense Dominique Boivin, 72 ans et tellement de présence, tellement de précision et d'humour. Un doigt qui bouge, et c'est drôle. Un bras qui se meut et c'est émouvant. Boivin est un compagnon de route de Decouflé. Son humour dégingandé est aussi un clin d'œil affectueux à Christophe Salengro, le personnage fétiche de Decouflé, également président de Groland, disparu il y a quelques années. Avec en plus, cette irrépressible façon de bouger d'un danseur que le temps n'a pas abimé, mais juste transformé. Ce feel-good ballet va illuminer la Grande Halle de La Villette ce mois-ci.

Crédits photographiques : © Jean Vermeulen

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Lyon. Maison de la Danse. 27-IX- 2025. Dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon. Philippe Decouflé : Entre-temps. Conception et mise en scène : Philippe Decouflé de & avec Dominique Boivin, Meritxell Checa Esteban, Catherine Legrand, Éric Martin, Alexandra Naudet, Michèle Prélonge, Yan Raballand, Lisa Robert, Christophe Waksmann. Piano: Gwendal Giguelay. Avec la participation d’un groupe de volontaires amateur·ices.

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1 commentaire sur “Philippe Decouflé rattrape le temps qui passe”

  • Taquet marquet Violaine dit :

    Un spectacle comme on aime en voir , un moment suspendu, plein d’émotions de toutes sortes, on rit, on pleure à la fin tellement on est ému et tellement cela fait du bien de voir tous ces gens qui arrivent à se rassembler, à se prendre dans les bras. On repasse sa vie et toutes les musiques qui ont compté pour nous, on repense bien sûr à beaucoup de chorégraphes comme Pina Bausch et on apprécie l’humour et la gestuelle des danseurs. les fragments de phrases sur le temps sont très pertinentes. J’ai aimé le passé qui se trouve devant nous . Merci Decouflé d’exister et j’aurais pu crier dans la salle hier soir. « Bon anniversaire »👏♥️

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