Le Ballet du Capitole signe un Hommage à Ravel
Le Ballet de l'Opéra national du Capitole ouvre sa saison avec un programme tout en finesse et en maîtrise, composé de deux ballets de Thierry Malandain et Johan Inger sur la musique de Maurice Ravel pour les 150 ans de la naissance du compositeur.
L'année 2025 marque les 150 ans de la naissance de l'un des maître de l'impressionnisme musical, Maurice Ravel. Pour Beate Vollack, directrice de la danse du Ballet du Capitole, c'était une évidence de mettre à l'honneur le compositeur dans sa saison 25-26. Par ailleurs, elle proposera cette année encore une variété de styles et d'époques dans la lignée de la saison dernière, avec notamment rien de moins qu'une création originale de Carolyn Carlson !
Walking Mad a été créé en 2001 par Johan Inger, dans le cadre d'une commande du Nederlands Dans Theater. Véritable succès mondial récompensé par le prestigieux Lucas Hoving Production Award, cette pièce s'inspire d'une citation de Socrate : « Les plus grands bienfaits nous viennent de la folie. » Le chorégraphe fut aussi grandement marqué par un ancien enregistrement vidéo de Sergiu Celibidache dirigeant l'Orchestre symphonique de la Radio suédoise jouant le Boléro. La frénésie gestuelle gagnant peu à peu le maestro à mesure du crescendo est en effet au cœur de sa chorégraphie.
Johan Inger propose ici un style contemporain très projeté et énergique (grands ronds de bras ou lancés de jambes), associé à un travail sur le déséquilibre (chute au sol ou bascule du décor sous le poids d'un danseur). Le mur en bois gris servant à structurer l'espace offre également une surface d'appui fortement exploitée de façon riche (s'accrocher, s'asseoir, se repousser, s'appuyer etc.). En outre, ce grand panneau modulable apporte une certaine théâtralité à l'ensemble. Il permet de créer des espaces de la vie quotidienne, tels qu'une rue ou les pièces d'une habitation, où évoluent entre folie et violence des personnages en vêtements de ville assez basiques. La composition chorégraphique écrite sur le Boléro a comme point fort indéniable sa musicalité. Néanmoins, le soufflé retombe un peu dans sa conclusion sur le piano minimaliste d'Arvo Pärt.
Le programme se poursuit avec Daphnis et Chloé, l'un des rares ballets créés par Thierry Malandain pour une autre compagnie que la sienne. Cette pièce possède en plus la particularité de réunir les trois forces artistiques du Capitole : son ballet, son chœur et son orchestre. Au milieu de colonnades gigantesques, le jeune couple tente de vivre et de défendre son idylle naissante, malgré les avances sans ambiguïté de Lycénion envers Daphnis ou encore l'enlèvement de Chloé par des pirates, le tout sous la surveillance du majestueux dieu Pan. Tous sont affublés de jupes plissées et de bustiers stylisés blancs, noirs, rouges, turquoise ou vert bouteille, afin de clairement différencier les personnages. L'aspect visuel graphique de l'ensemble est renforcé par un travail chorégraphique reposant sur la symétrie, les axes anatomiques et les diagonales. En outre, les déplacements de groupes sont particulièrement remarquables de par leur ingéniosité et constituent des transitions de choix pour un déroulé de l'action efficace. Grâce à une gestuelle tracée et délicate, avec de petites particularités propres à certains personnages (roulement de muscles pour Dorcon, posture royale pour Pan ou gestes suggestifs pour Lycénion), Thierry Malandain parvient à faire exister un univers antique convaincant et très esthétique.
Hommage à Ravel est un programme cohérent et d'une grande qualité artistique. Néanmoins, il nous amène à nous questionner sur la persistance de certains clichés dans des thématiques telles que la représentation de la folie (corps agités, voire grotesques) ou des relations hommes-femmes. En effet, il n'est pas rare que les personnages féminins se résument à des jeunes filles pures, naïves et ingénues ou à des femmes fatales. Quant aux hommes, ils sont souvent de délicats princes faibles face à leur désir ou des rustres prompts à l'agressivité. Une partie significative de la scène contemporaine s'interroge actuellement sur ce type de tropes, il serait appréciable que la création classique en face autant.









