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Bruno Rigutto : Ricordi, mémoires au piano

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« Ricordi ». Bruno Rigutto, piano. CD 1 Robert Schumann (1810–1856) : 3 Romanzen, op. 28 n° 2 en fa dièse majeur ; Charles Gounod (1818–1893) : La Veneziana (Barcarolle), CG 593 ; Felix Mendelssohn Bartholdy (1809–1847) : Lieder ohne Worte, op. 62 n° 5, Venetianisches Gondellied ; Anatoli Liadov (1855–1914) : 3 Morceaux, op. 11 n° 1, Prélude ; Alexandre Scriabine (1872–1915) : Nocturne pour la main gauche, op. 9 n° 2 ; Maurice Ravel (1875–1937) : Pavane pour une infante défunte, M. 19 ; Franz Schubert (1797–1828) : Valse en sol bémol majeur, D. Anh. I/14 « Kupelwieser-Walzer » (transcription de Richard Strauss) ; Bruno Rigutto (né en 1945) : Douce valse ; Carl Philipp Emanuel Bach (1714–1788) : Sonate en la majeur, WQ 65/32, H. 135, II. Andante con tenerezza ; Frédéric Chopin (1810–1849) : Mazurka, op. 68 n° 4 en fa mineur ; Christoph Willibald Gluck (1714–1787) : Mélodie (Orfeo ed Euridice) (transcription de Giovanni Sgambati) ; Domenico Scarlatti (1685–1757) : Sonate en fa mineur, K. 466 ; Bruno Rigutto : Mandolina serenata ; Carlos Guastavino (1912–2000) : Bailecito ; Manuel M. Ponce (1882–1948) : Intermezzo n° 1. CD 2  Heitor Villa-Lobos (1887–1959) : A Lenda do Caboclo, W 166 ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840–1893) : 18 Pièces, op. 72 n° 5, Méditation ; Edvard Grieg (1843–1907) : Pièces lyriques, op. 43 n° 5, Erotikk ; Franz Liszt (1811–1886) : Consolation n° 3, S. 172, Lento placido ; Felix Mendelssohn Bartholdy : Gondellied en la majeur, WoO 10, MWV U 136 ; Frédéric Chopin : Prélude en do dièse mineur, op. 45 ; Gaetano Donizetti (1797–1848) : Una furtiva lagrima (arrangement pour piano de Hans Günther Heumann) ; Nikolaï Medtner (1880–1951) : Contes de fées, op. 26 n° 3 en fa mineur ; Arno Babadjanian (1921–1983) : Élégie « In Memory of Khachaturian » ; Jean Sibelius (1865–1957) / Harold Arlen (1905–1986) : Lied (6 Bagatelles, op. 92 n° 2) / Over the Rainbow ; Edvard Grieg : Pièces lyriques, op. 47 n° 3, Mélodie ; Camille Saint-Saëns (1835–1921) : 6 Études, op. 111 n° 4, Les Cloches de Las Palmas ; Claude Debussy (1862–1918) : La plus que lente, L. 128A. 2 CD Aparté. Enregistrés à l’église Saint-Pierre, Paris, du 12 au 14 mai 2025. Notice de présentation en français et en anglais. Durée : 103:00

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Avec son dernier album Ricordi, paru chez Aparté cet automne, livre l'un des enregistrements les plus personnels de sa carrière. 

Dans le livret, un entretien vivant mené par Aurélie Moreau révèle un pianiste qui dit avoir réuni ici quelques-unes de ses pièces les plus chères, parfois de très courts morceaux qu'il n'avait jamais abordés auparavant, choisis pour ce qu'ils disent intimement de lui. Vingt-huit pièces dessinent ainsi un itinéraire intérieur : non seulement un florilège, mais une véritable méditation sur la mémoire et la continuité d'un geste pianistique façonné par des années d'écoute et de recherche.

La construction du programme renforce la cohérence de l'ensemble : les pièces se succèdent tantôt par affinités, tantôt par contrastes mesurés, dessinant une cartographie intime où souvenirs, rencontres et influences dialoguent librement. L'une des forces transversales de l'album réside dans la texture transparente et délicate du jeu : Rigutto cultive une finesse rare, où les lignes s'articulent avec une limpidité presque vocale et les nuances se déploient dans une lumière douce. Son toucher, souple et précis, révèle une science très personnelle du timbre ; chaque doigt façonne l'équilibre sonore et garantit une continuité du discours à la fois naturelle et fluide.

Dans le livret, Rigutto évoque l'influence déterminante de Samson François, aux côtés d'autres grands interprètes qui ont marqué sa formation. Sa lecture de La plus que lente de Debussy, portée par un tempo lyrique subtilement modelé, constitue un hommage explicite à son maître. En même temps, il affirme ne pas se reconnaître strictement dans une « école française » : il se considère plutôt héritier d'une tradition latine et méditerranéenne, où la chaleur sonore et la liberté interprétative occupent, selon lui, une place essentielle.

Les œuvres réunies dans les deux disques qui composent ce travail appartiennent pour l'essentiel à un univers de méditation sonore intime, auquel Rigutto insuffle une respiration naturelle. Le contrôle de la pédale, la netteté des attaques et la précision du geste confèrent à chaque page une élégance sobre. La prise de son, claire et proche sans dureté, instaure une atmosphère de concentration quasi confidentielle, comme si la musique se construisait sous nos yeux.

On est également saisi par le soin porté au phrasé : certains débuts de phrases, à peine murmurés, semblent surgir d'un silence préparé, tandis que d'autres s'élèvent en arches finement sculptées. Le piano devient alors un véritable espace de contemplation. Certes, il peut paraître audacieux de proposer un disque composé en grande partie de pages essentiellement lyriques – un choix qui pourrait sembler risqué par son apparente uniformité – mais Rigutto déjoue cet écueil grâce à la richesse de son toucher et à la rigueur de son interprétation.

Il est également intéressant de constater que, sans se limiter au romantisme européen, l'album s'ouvre à des horizons plus anciens avec , ainsi qu'à plusieurs compositeurs sud-américains tels que Guastavino, Ponce ou Villa-Lobos. Cet élargissement du champ esthétique constitue l'un des aspects les plus stimulants du programme : Rigutto aborde ces pages sans le moindre exotisme, privilégiant la structure, la pulsation interne et la continuité du chant. Les rythmes y conservent leur tension propre tout en s'intégrant avec naturel à son discours, révélant une belle versatilité dans l'approche du répertoire latino-américain du XXᵉ siècle.

On saluera enfin la présence de compositions originales de Rigutto. Ces pages s'intègrent naturellement au programme et en renforcent la dimension autobiographique. Parmi elles, Douce valse retient particulièrement l'attention, prolongeant l'esthétique du pianiste : simplicité de la ligne, goût de la couleur, respiration naturelle.

Rigutto séduit par sa clarté, son éloquence et sa tenue. Ricordi est un album d'une profondeur durable, un hommage au passé tourné vers l'essentiel, où le pianiste livre, avec une élégance discrète, ce que la musique a déposé en lui.

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« Ricordi ». Bruno Rigutto, piano. CD 1 Robert Schumann (1810–1856) : 3 Romanzen, op. 28 n° 2 en fa dièse majeur ; Charles Gounod (1818–1893) : La Veneziana (Barcarolle), CG 593 ; Felix Mendelssohn Bartholdy (1809–1847) : Lieder ohne Worte, op. 62 n° 5, Venetianisches Gondellied ; Anatoli Liadov (1855–1914) : 3 Morceaux, op. 11 n° 1, Prélude ; Alexandre Scriabine (1872–1915) : Nocturne pour la main gauche, op. 9 n° 2 ; Maurice Ravel (1875–1937) : Pavane pour une infante défunte, M. 19 ; Franz Schubert (1797–1828) : Valse en sol bémol majeur, D. Anh. I/14 « Kupelwieser-Walzer » (transcription de Richard Strauss) ; Bruno Rigutto (né en 1945) : Douce valse ; Carl Philipp Emanuel Bach (1714–1788) : Sonate en la majeur, WQ 65/32, H. 135, II. Andante con tenerezza ; Frédéric Chopin (1810–1849) : Mazurka, op. 68 n° 4 en fa mineur ; Christoph Willibald Gluck (1714–1787) : Mélodie (Orfeo ed Euridice) (transcription de Giovanni Sgambati) ; Domenico Scarlatti (1685–1757) : Sonate en fa mineur, K. 466 ; Bruno Rigutto : Mandolina serenata ; Carlos Guastavino (1912–2000) : Bailecito ; Manuel M. Ponce (1882–1948) : Intermezzo n° 1. CD 2  Heitor Villa-Lobos (1887–1959) : A Lenda do Caboclo, W 166 ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840–1893) : 18 Pièces, op. 72 n° 5, Méditation ; Edvard Grieg (1843–1907) : Pièces lyriques, op. 43 n° 5, Erotikk ; Franz Liszt (1811–1886) : Consolation n° 3, S. 172, Lento placido ; Felix Mendelssohn Bartholdy : Gondellied en la majeur, WoO 10, MWV U 136 ; Frédéric Chopin : Prélude en do dièse mineur, op. 45 ; Gaetano Donizetti (1797–1848) : Una furtiva lagrima (arrangement pour piano de Hans Günther Heumann) ; Nikolaï Medtner (1880–1951) : Contes de fées, op. 26 n° 3 en fa mineur ; Arno Babadjanian (1921–1983) : Élégie « In Memory of Khachaturian » ; Jean Sibelius (1865–1957) / Harold Arlen (1905–1986) : Lied (6 Bagatelles, op. 92 n° 2) / Over the Rainbow ; Edvard Grieg : Pièces lyriques, op. 47 n° 3, Mélodie ; Camille Saint-Saëns (1835–1921) : 6 Études, op. 111 n° 4, Les Cloches de Las Palmas ; Claude Debussy (1862–1918) : La plus que lente, L. 128A. 2 CD Aparté. Enregistrés à l’église Saint-Pierre, Paris, du 12 au 14 mai 2025. Notice de présentation en français et en anglais. Durée : 103:00

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