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Plácido Domingo – Forge et Destinée

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Plácido Domingo chante Richard Wagner (1813-1883) : Scènes extraites de L’Anneau du Nibelung.Plàcido Domingo, Violeta Urmana, Natalie Dessay, David Cangelosi. Orchestre du Royal Opera House, Covent Garden. Direction : Antonio Pappano. 1 CD EMI 5 57242 2, 2002, 69’55

 
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Proclamer haut et fort son admiration pour s'avère délicat ; on risque de perdre le sens de la mesure, de s'égarer dans l'hyperbole et l'idolâtrie béate.

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Force est d'admettre que l'éclectique artiste madrilène aura marqué durablement son temps. Lorsque l'on écoute le présent disque, on a « le coeur qui bat … qui bat », mais à la différence de la vieille comtesse de la Dame de Pique, on sait pourquoi. Les incursions du ténor espagnol dans la musique russe (Hermann de la Dame de Pique à Vienne) ou germanique (Siegmund, ou encore Parsifal, à Paris) atteste d'une longévité vocale stupéfiante doublée d'une grande prudence dans ses prises de rôle. Au plan des gravures, il s'est illustré dans Weber (Hüon de Bordeaux d'Oberon, Kubelik, DGG), a servi (l'Empereur de la Femme sans Ombre, Solti, Decca). Pour couronner le tout, de nombreux Wagner – entre autres, Lohengrin avec Solti (Decca) et Les Maîtres-Chanteurs par Jochum (DGG) et un Parsifal avec Levine (DGG), l'un des plus accomplis de la discographie.

Au crépuscule d'une longue carrière, le présent récital est un exemple parfait de symbiose totale entre un compositeur et un « divo d'or » ! Entouré de partenaires idoines et d'un chef Antonio Papano, qui, après des Massenet contestables, se revèle à lui-même. Deux substantiels extraits des deuxième et troisième journées du cycle constituent un micro-Ring. Le tableau de la forge – caractérisé par un martèlement sauvage, des cuivres arrogants, une battue frénétique – revèle un Siegfried inédit : le meilleur de l'histoire du disque ! Un adolescent paumé, brutal, presque mû par une euphorie sadique, prêt à en découdre avec Fafner et Mime, son « substitut » paternel. La performance est époustouflante : émission barytonnante aux accents conquérants, timbre juvénile à souhait, volontiers agressif – un exploit supplémentaire chez un chanteur de la pleine maturité. Des aigus dardés, acérés, tels Notung. Après une direction volcanique, le maestro adopte dans la séquence sylvestre des tempi délibéremment lents : Les « Murmures de la Forêt » se métamorphosent en poème symphonique de chambre, songe mélancolique et éthéré, évocation sereine à la nature. Page aux ramifications quasi-impressionnistes qui débouche sur d'impalpables bruissements d'ailes : ceux de l'Oiseau. Dans le seul rôle wagnérien à sa portée, la coloratura offre le meilleur volatile de la discographie : voix flûtée et malicieuse, loin du pépiement irritant et piailleur de certaines des consœurs.

Qu'importent alors les aigus un peu tendus de la mezzo-soprano lituanienne, , au moment de son retour à la vie. La tessiture élevée de Brünnhilde l'oblige à maltraiter son timbre, lui infligeant quelques sonorités métalliques. Plàcido Domingo laisse transparaître la palette des sentiments contrastés qui l'envahissent à cet instant précis – peur, doute, désir naisant puis exaltation érotique – avant l'étreinte tant attendue que conclut un tutti espiègle, préfigurant le finale de l'acte III du Rosenkavalier. L'apogée de l'enregistrement est l'extrait du Crépuscule des dieux où Domingo peut s'enorgueillir d'être un heldentenor par prédestination. En outre, preuve d'une intelligence musicale et d'un syncrétisme dramaturgique peu communs, il ose relier la mort de Siefgried à une autre mort aussi intense : celle d'Otello (« Niun mi tema »), qu'il a interprétée sur de multiples scènes. Loin de constituer un contresens musicologique, cette approche étonnante accuse une parenté stylistique que Verdi lui-même n'aurait peut-être pas désavouée.

credit photographique : DR

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Plácido Domingo chante Richard Wagner (1813-1883) : Scènes extraites de L’Anneau du Nibelung.Plàcido Domingo, Violeta Urmana, Natalie Dessay, David Cangelosi. Orchestre du Royal Opera House, Covent Garden. Direction : Antonio Pappano. 1 CD EMI 5 57242 2, 2002, 69’55

 
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