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« Le cœur mangé », que trop digéré ?

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Le Châtelain de Coucy (XIIIe siècle). Chansons. L’Itinéraire Médiéval : Florence Jacquemart, flûtes médiévales et musette ; Evelyne Moser, vièle à arc, tympanon, percussion ; Guy Robert, harpes médiévales ; Christophe Tellart, musette, chiffonie, organetto ; Pierre Bourhis, chant ; Guillaume Edé, récitant ; Katia Caré, direction. 1 CD Calliope CAL 9528. Notice de présentation en français et en anglais. Durée : 76’19’’.

 
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S’il est une première génération de trouvères, aux côtés de Gace Brulé, trouve-t-on le châtelain de Coucy. Pour être l’auteur d’une quinzaine de chansons authentifiées, ledit châtelain voit son œuvre très inégalement reçue, génériquement modifiée suivant la part accordée au caractère légendaire que son identité pourrait revêtir. Le corpus promet en effet, une clôture plus consistante si le châtelain a vraiment existé, ces chansons en seraient nettement plus lyriques que courtoises. Alors que, comme on le soupçonne souvent, s’il s’agit du gouverneur du château de Coucy, Guy de Thourotte, son inscription dans la tradition courtoise lui vaudra quelques attentions toutes fidèles à son héritage.

L’ambition de Katia Caré et Guy Robert est clairement de « faire écouter la légende en l’offrant comme un écrin à l’œuvre musicale du châtelain de Coucy ». L’enregistrement qu’ils publient chez Calliope ne manque pas de faire preuve d’une documentation précise et d’une grande application à restituer les poèmes et partitions au plus près de leur organisation, si caractéristique à l’époque. Et c’est sûrement cette promesse de restitution qui pourrait encombrer l’auditeur : pourquoi faut-il que les récitants, quand ils sont associés à des ensembles de musique médiévale, soient encastrés dans un jeu de réverbération, comme s’il ne pouvait jamais s’agir que d’un théâtre archaïque, caverneux.

« En implorant le pardon de ma folle attitude, / J’arrêterai de faire entendre mes chansons, / Car il m’a trahi et donné consciemment la mort / Mon cœur amoureux que je devrais haïr ; / Il m’a fait ce mal pour plaire à d’autres gens. » Il est toujours captivant d’entendre les thématiques se réfléchir avant de se développer, se chercher une modulation poétique qui caractérise par la forme le sentiment qu’elle doit porter et façonner. Ainsi, la découverte de l’amour, la peur des médisants, les derniers plaisirs avant la croisade, suivent des modes d’autant plus sophistiqués que captivants. Au-delà des partis pris de prise de son et du choix du lieu d’enregistrement (abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache), le disque accuse les traits de la musique médiévale d’aujourd’hui, au lieu de faire sonner le caractère profondément chercheur de l’amour courtois. Après tout, si l’on peut gagner, d’un point de vue interprétatif, à s’affranchir des hypothèses rivales sur la naissance de la poésie courtoise, peut-on seulement se passer de quelques réflexions sur l’ethos du trouvère. Ne serait-ce qu’étymologiquement, le « trouvère » est celui qui trouve, du grec « tropos » (manière), pour Chailley, il s’agit d’» inventer un trope », un mode du poème, une syntaxe spécifique pour chaque état du cœur à chant.

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Le Châtelain de Coucy (XIIIe siècle). Chansons. L’Itinéraire Médiéval : Florence Jacquemart, flûtes médiévales et musette ; Evelyne Moser, vièle à arc, tympanon, percussion ; Guy Robert, harpes médiévales ; Christophe Tellart, musette, chiffonie, organetto ; Pierre Bourhis, chant ; Guillaume Edé, récitant ; Katia Caré, direction. 1 CD Calliope CAL 9528. Notice de présentation en français et en anglais. Durée : 76’19’’.

 
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