Der junge Lord est une satire acerbe, un jet de soude (ou d'acide) dans la «bonne société» allemande, celle là même scandalisée par l'homosexualité, le néo-classicisme et l'appartenance à l'extrême-gauche du compositeur Hans Werner Henze.

Il ne pouvait trouver meilleure alliée qu'Ingeborg Bachmann pour le livret, cette poétesse sulfureuse du Groupe 47, chantre du féminisme à l'allemande. Ces deux là nous ont donné un authentique opéra-bouffe en deux actes, avec sa dose d'absurde, de comique et de tragique. Der junge Lord narre l'histoire de l'installation de Sir Edgar, un excentrique noble anglais, dans la petite ville d'Hulsdorf-Gotha. Son mode de vie dérange la bonne société, outrée de son refus de la fréquenter. Un cirque ambulant se fait chasser de la place centrale par les édiles municipaux. Qu'à cela ne tienne, Sir Edgar, qui a particulièrement apprécié le numéro de l'homme-singe, leur offre l'hospitalité. Quelques temps plus tard il invite tout le gratin de la petite ville pour présenter son neveu, Lord Barrat, dont les excentricités excitent la bourgeoisie bien-pensante. La comédie est finie : le jeune Lord, qui avait tant plus à ses dames en dansant sur les tables, était l'homme-singe du cirque…

Ce DVD reprend la production originale de la création de l'œuvre (1965), adapté pour la caméra par Ernst Wild en 1968, dans ses décors d'origines. Les bandes son et vidéo ont depuis été malmenées (Deutsch Grammophon avait édité cet opéra du temps du vinyle et de la VHS, et puis …), d'où une image parfois floue, mais on pardonnera volontiers ces imperfections devant la qualité de cette production. L'ensemble des chanteurs se font aussi acteurs accomplis, surtout Margarete Ast (la baronne Grünwiesel) et Manfred Röhrl (le Maire), principaux dindons de la farce. Edith Mathis, en jeune amoureuse, est éblouissante. Loren Driscoll tient de façon désopilante le court rôle-titre. L'orchestre sous la direction du jeune Christoph von Dohnányi ne démérite pas : la musique de Henze se fait plus virtuose que jamais.

Nous sommes dans les années 60, encore dans l'âge «sage» de la mise en scène. Gustav Rudolf Sellner se limite aux splendides tentures peintes et fausses perspectives de Filippo Sanjust pour une mise en scène d'une sobriété et d'une efficacité qui force l'admiration. Une sortie en DVD qui s'imposait.