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Valentin Silvestrov, quelques éléments biographiques du compositeur ukrainien

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Valentin Vasylyovych Silvestrov est un compositeur et pianiste ukrainien né à Kyiv (Kiev) en 30 septembre 1937, aujourd’hui âgé de 85 ans et toujours en activité. Les terribles événements consécutifs à la guerre russo-ukrainienne débutée en février 2022 ont perturbé la vie du plus fameux compositeur ukrainien de notre époque. Pour accéder au dossier complet : Valentin Silvestrov

 
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Trop peu connu en Europe de l'Ouest, jouit d'une énorme réputation en Ukraine et dans les pays de la région transcaucasienne. Sa profonde amitié avec le Géorgien n'a en rien entaché son originalité et son langage qui appartient à une passionnante variante contemporaine d'un néoromantisme individuel, également qualifié parfois de style musical post-moderne. 

Son pays, l'Ukraine, appartenait à l'Union soviétique jusqu'aux événements de 1991, avant de gagner son indépendance dans le cadre de la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Et, à l'instar de toutes les sphères d'influences politiques, linguistiques et culturelles, de grandes individualités ont réussi à se faire entendre, avec plus ou moins de difficultés et d'obstacles, pendant l'hégémonie soviétique et après son effondrement.

Silvestrov vient assez tardivement à la musique en s'impliquant seul d'abord dans l'apprentissage de cet art. Après avoir bénéficié de leçons privées de piano à l'âge de 15 ans, ce qui est relativement tardif, il perfectionne son instrument à l'Ecole de musique en suivant des cours du soir à Kyiv entre 1955 et 1958 avant d'entrer au Conservatoire de la capitale entre 1958 et 1964. Il travaille la composition avec Borys Lyatoshynsky, l'harmonie et le contrepoint avec Levko Revoutsky. Il entreprend des études d'architecture (construction) entre 1955 et 1958, dans la journée, et perfectionne sa formation musicale le soir. Mais il change radicalement d'orientation et se consacre entièrement à l'enseignement dispensé au conservatoire de Kiev.

Avec d'autres élèves de la classe de Lyatoshynsky, musicien bienveillant et ouvert sur la nouveauté, le jeune Valentin constitue un petit groupe d'étudiants avidement attirés par les nouveautés musicales déployées en Occident. Une telle curiosité attire quelques ukrainiens mais également d'autres musiciens de la région qui deviendront célèbres. On pense à Volonski, Denisov, Schnittke, Goubaïdulina, Pärt, Knaifel… Ainsi s'inscrit-il en 1961 à un séminaire de Karlheinz Stockhausen à Darmstadt, projet interrompu par le refus des autorités de valider son visa de sortie du territoire ukrainien.

Dès l'élaboration de son Quintette avec piano (1961) et avant même l'achèvement de ses études au conservatoire, ses qualités musicales et créatrices s'imposent déjà d'elles-mêmes. Sa réputation s'intensifie rapidement aussi bien en Ukraine qu'ailleurs dans le monde occidental. Néanmoins, ses partitions sont violemment condamnées par l'Union des Compositeurs soviétiques, fermement tenue en laisse par le dévoué Tikhon Khrennikov, gardien des positions dogmatiques héritées de l'ère stalinienne. C'est dire que ses musiques furent souvent interdites et que longtemps ses déplacements en Occident furent pratiquement défendus, comme pour nombre de ses collègues de la sphère soviétique. Ce n'est que lorsque le succès hors URSS apparut incontournable qu'il put contribuer à la réputation artistique de l'URSS et bénéficier de davantage de liberté. De plus, ses œuvres rencontrèrent longtemps des freins à l'édition, empêchant ou retardant ainsi leurs créations.

Notons que Silvestrov refusa obstinément, afin de sauvegarder un minium d'indépendance, de soumettre ses musiques à la censure de la puissante Union des compositeurs dont il sera exclu à la fin des années 1960. Une exception aux interdits fut possible avec l'apport bienvenu du Festival de musique contemporaine de Varsovie à partir de 1956.

Silvestrov n'hésitera pas à manifester ses opinions et à affirmer son désir de liberté créatrice. Dans un texte de 1967, il osa formuler des critiques à l'encontre du conservatisme obstiné de Khrennikov. Néanmoins, il fut rapidement remarqué et apprécié à l'étranger d'où allait venir une commande majeure en 1966. Il est nommé membre honoraire du Concours international Gaudeamus pour son œuvre Hymn en 1967.

En réaction de l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'Union soviétique en 1974, il choisit de mettre en retrait son exposition médiatique et rejeta son style musical moderniste.

Avec les années, il se rend plus souvent à l'étranger où il reçoit un accueil très positif. Citons les invitations du Festival de musique d'Almeida à Londres (1989), du Festival de Lockenhaus de Gidon Kremer (1990) et d'autres festivals organisés au Danemark, en Finlande et en Pologne. En effet, on constate à partir de la fin des années 1980 un accroissement de la fréquence des concerts consacrés à ses musiques et ce, il faut le reconnaître, même en Ukraine et en Russie. Ce mouvement n'allait plus connaître de pause. On le programme au Festival de nouvelle musique « Alternative » de Moscou (1989 et 1995), aux cinq soirées avec sa musique à Ekaterinbourg (1992), au festival « Sofia Gubaïdulina et des amis » à Saint-Pétersbourg (1994). A l'occasion de son 60e anniversaire un Festival Silvestrov a lieu à Kiev en 1998. Au cours des années 1990, on joue sa musique en Europe, au Japon et aux USA, il se rend en à Berlin (1998-1999) où l'on exécute Metamusic, Dedication et la Symphonie n° 6. Paradoxe du système politique, il est désigné Artiste du peuple de la République soviétique d'Ukraine en 1989.

Après la chute de l'URSS, il compose des musiques spirituelles et religieuses dont certaines sont nettement influencées par le style musical liturgique orthodoxe russe et ukrainien. En 1995, il est lauréat national du prix Taras Chevtchenko qui récompense des artistes d'expression ukrainienne.

En 1996, Silvestrov est terriblement attristé par la disparition de sa femme, une musicologue nommée Larissa Bondarenko. Il compose une importante partition à sa mémoire, un Requiem pour Larissa, achevé en 1999 et reposant sur des textes latins et sur Rêve du poète national romantique ukrainien Taras Chevchenko (1814-1861). Une émotion profonde infiltre cette œuvre bouleversante. Son esthétique subit une nette évolution après ce deuil.

Son parcours est récompensé par une nomination : celle d'Artiste de l'Ordre du mérite ukrainien en 1997.

A l'occasion de son 80e anniversaire (2017) de nombreux concerts sont programmés dans le monde : Gidon Kremer défend Dedication, Vladimir Jurowski dirige la Symphonie n° 3, Roman Kofman les Symphonies n° 5 et 7, John Storgårds la Symphonie n° 8. La création de son Concerto pour violon (2016) se déroule à Weimar en janvier 2018.

En 2004, ses manuscrits et ses archives sont rachetés par la Fondation Paul Sacher, créée par le mécène suisse (1906-1991) en 1986. La même année, on lui attribue la Médaille du courage intellectuel. Son intérêt pour la musique chorale s'amplifie. Il est compositeur en résidence à Pannohalma en Hongrie (2007), au Festival Nostalgia de Poznam en Pologne (2013), au Festival de Davos (Suisse) en 2016, au Festival de musique Unheard de La Hague aux Pays-Bas en 2017, en Allemagne à la Staatkapelle de Weimar en 2017. Il est enfin fait membre docteur honoraire de l'Université nationale de Kiev (Mohyla-Academie) en 2011.

Aujourd'hui, en 2022, alors que l'Ukraine où il résidait encore, subit les horreurs de la guerre et de la barbarie, une pensée émue nous gagne. Comment ne pas se souvenir des prises de positions anti-Poutine de son grand ami géorgien , disparu le 2 octobre 2019. Silvestrov décide en conséquence, pressé par ses amis et sa famille, et contre son gré, de quitter précipitamment son pays le 8 mars 2022 et de s'installer à Berlin (Allemagne).

Quelques jours auparavant, le 3 mars 2022, le chef russe Andrey Boreyko avait dirigé l'Orchestre philharmonique Janacek d'Ostrava (République tchèque) lors d'un concert de soutien à l'Ukraine au cours duquel on interpréta l'hymne ukrainien et Hymn de Silvestrov composé en 2001. Le 16 mars, un autre Concert pour l'Ukraine se déroule au Metropolitan Opera de New York, un concert placé sous la direction du chef québécois Yannick Nézet-Séguin.

Une grande partie de son existence est ainsi consacrée à la composition où il semble avoir trouvé un havre de tranquillité, d'isolement et d'inspiration.

Sources

Bondarenko Larissa, Silvestrov Valentin, The New Grove Dictionary of Music and Musicians, ed. by Standley Sadie, T 17, p. 321-322, 1988.

CARON Jean-Luc, , L'Harmattan, 2022.

DI VANNI Jacques, 1953-1988. Trente ans de musique soviétique, Actes Sud, 1987.

HAUTOT André, Compositeurs contemporains : , compositeur ukrainien, 2017.

LEMAIRE Frans C., La musique du XXe siècle en Russie et dans les anciennes Républiques soviétiques, Fayard, 1994.

LEMAIRE Frans C., Le destin russe et la musique. Un siècle d'histoire de la Révolution à nos jours, Fayard, 2005.

, Schott éditeur.

Crédits photographiques : © Benjamin Manser

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