Concerts, La Scène, Musique d'ensemble

Sorores Sonors à Chaumont : la création féminine en acte

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Chaumont, Nouveau Relax.
9-V-2025. 19h00. Solo suite. Soizic Lebrat, violoncelle.
20h30. Impro multi sets. Pom Bouvier-b, lutheries sauvages et objets glanés ; Patricia Dallio, lutherie électronique ; Floy Krouchi, basse augmentée ; Soizic Lebrat, violoncelle ; Ayako Okubo, flûte octobasse ; Céline Pierre, violoncelle baroque arrangé ; Laëtitia Pitz, texte ; Lucie Prod’homme, voix et objets.
10-V-2025. 19h00. Impropositions. Atelier d’improvisation de Lucie Prod’homme avec l’orchestre à cordes du Conservatoire de Chaumont.
20h30. Trio Adventice. Pom Bouvier-b, lutheries sauvages et objets glanés ; Patricia Dallio, lutherie électronique ; Aurore Gruel, danse.
22h00. FKBass solo. Floy Krouchi, basse augmentée.
23h00. Concert électro. K-teu, DJ.
11-V-2025. Performance collective. Ayako Okubo, flûte octobasse ; Céline Pierre, diseuse; Laëtitia Pitz, texte.
Sur l’ensemble des concerts, Lucie Laricq, ingé sonne.

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Elles sont compositrices, instrumentistes, artistes sonores, improvisatrices, DJ, mais aussi danseuse, plasticienne, comédienne et « ingé sonne » : douze femmes réunies par et pour trois journées au Nouveau Relax, à Chaumont. Sorores Sonors est la prolongation naturelle de la série de portraits vidéos de femmes artistes du son réalisée par cette dernière, portraits qui sont tous projetés durant la manifestation.

C'est au seuil, dans l'entrée du Nouveau Relax, avec les portes encore ouvertes vers l'extérieur, que la compositrice visuelle et sonore a tenu à ce que s'enchaînent les discours introductifs de ces trois journées. Les spectateurs y sont invités à pénétrer un univers graphique, filmographique, chorégraphique, textuel et sonore. Une scénographie lumineuse réalisée par l'artiste fait le lien entre les expositions (le work in progress de Margot Bernard et un travail réalisé avec les étudiants en art appliqué du lycée Charles De Gaulle), les concerts et les portraits vidéos de compositrices qui jalonnent ce festival.

La violoncelliste ouvre la première soirée avec une lecture fascinante de la première Suite pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach. Le prélude et les différentes danses sont joués dans l'ordre, mais enchâssées dans un écrin d'improvisation. On se demande qui découle naturellement de l'autre. La suite surgit, comme fantomatique, d'ordre mémoriel, au détour d'un ostinato sur une note, sur une boucle, et au cœur d'un très riche travail sur le timbre. On dit souvent que la musicalité absolue et l'écriture parfaite des œuvres de Bach supportent toute transcription instrumentale, peu importe le timbre. prouve qu'une riche appropriation timbrale les nourrit d'une dimension supplémentaire. Les auditeurs entrent dans la danse et la performance est longuement applaudie.

La soirée se poursuit par différentes improvisations dont les configurations, les musiciennes et les durées sont déterminées par le tirage au sort du public. Deux quatuors s'enchaînent (19 et 13 minutes). Dans le premier, constitué par (guitare basse augmentée), (lutheries sauvages et objets glanés), Laetitia Pitz (texte) et Lucie Prod'homme (voix et objets), on remarque en particulier les jeux entre les voix complémentaires de ces deux dernières, qui évoluent au fil des différentes séquences. Les tuilages, contrepoints et questions-réponses entre les violoncelles de (violoncelle baroque arrangé) et animent le deuxième quatuor, rythmé par les interventions organiques d' (flûte octobasse) et de (lutherie électronique). La dernière improvisation à huit révèle plus encore l'inventivité collective et la capacité d'écoute remarquables de ces musiciennes. La musique alterne avec les portraits vidéos réalisés par Céline Pierre : Soizic Lebrat, Sarah Brabo-Durand et Joëlle Léandre. (GK)

Les mystères de l'instant

La deuxième soirée s'inaugure avec les élèves du département de cordes du Conservatoire de Chaumont. À l'initiative de Lucie Prod'homme et sur les incitations poétiques et graphiques de la compositrice, ils ont travaillé toute l'année l'improvisation collective avec leur professeur. Oreille grande ouverte, ils se lancent ce soir devant le public et les parents réunis à travers deux tutti et trois trios fort réussis.

Les formats sont courts (une quarantaine de minutes) laissant au public le temps de boire un verre et d'échanger entre les différentes propositions.

 

Une danseuse, , et deux artistes sonores (le Trio Adventis) occupent l'espace de la grande salle. et se font face et ont chacune leur set instrumental, un étal foisonnant pour générer les sons qu'elles ont envie d'entendre : Pom a un « lamineur », sorte de cithare de bois qu'elle a fabriquée elle-même et qu'elle joue avec un archet, autour duquel prolifèrent nombre d'accessoires et petites percussions. Patricia Dallio ne démérite pas avec une quantité d'objets à portée de main qui font musique : ça percute, ça vrille, ça racle, ça granule… Le tout propulsé par des petits moteurs et traversé par l'électricité.

 

, quant à elle, scrute l'espace, présence fantomatique jouant avec la lumière, silhouette agile au geste impulsif qui intrigue et vient brusquement bousculer le duo paisible de nos deux musiciennes et modifier un rien la fin de leur performance.

Avec sa basse « augmentée » dont elle tire des sonorités fabuleuses, Floy Krouchy est seule en scène, installant d'emblée l'écoute dans une temporalité étirée et un registre sombre et généreusement réverbéré où s'inscrit la voix murmurée puis chantée de la performeuse. Le bottelneck sur les cordes évoque le sitar indien et ses inflexions microtonales. Le chant de Floy Krouchy s'aventure alors dans les aigus de la tessiture et déclenche un chorus incandescent de l'instrument où semblent s'inviter les tablas du raga indien. Le voyage est immersif, aux multiples facettes, qui découvre des contrées inattendues. La musicienne sculpte l'espace, fait flamboyer les couleurs, joue avec les mots et les sons avant de réinstaurer le temps long du raga sur lequel se termine l'improvisation.

Il est plus de minuit lorsque la DJ K-teu déploie en virtuose les ressources de ses logiciels de mixage et autres platines vinyles sur le dance floor du Nouveau Relax de Chaulmont…

Un espace d'intimité

La troisième journée, dominicale, se déroule dans le Studio de répétition du Nouveau Relax et dès onze heures du matin. Artistes et public, assis en cercle autour de la scène, questionnent la notion de sororité et sa place au sein des vies en communauté, professionnelle, artistique et familiale. Des mots et bribes de phrases sont inscrits à la craie blanche sur le sol. Ils vont revenir à la bouche des performeuses (Céline Pierre et autres voix du public) dans l'improvisation participative qui consacre ces trois jours passionnants de rencontre. Au centre de la scène, la musicienne et sa flûte octobasse incarnent musicalement le temps de la performance, par ses gestes d'abord (elle assemble les différentes parties de sa flûte), la profonde exhalaison de sa respiration (ses mots en japonais ajoutant au mystère), le bruit des clefs de ce gros instrument puis le son qui advient in fine, un bourdon sensuel comme la métaphore de la caresse. Très douce également est la voix de Céline Pierre accompagnée des clapotis de l'eau lorsqu'elle lit les textes inscrits sur le sol et les efface à mesure. Les textes choisis par la comédienne et metteuse en scène Laëticia Pitz dénoncent les violences, inégalités et autres commentaires tirés de mots d'auteur : une écoute mutuelle, un discours à bas régime qui fait sens et, plus encore, un espace de l'intimité qui se créé et une émotion à fleur de lèvres qui circule et nous saisit.

Éloge de l'improvisation : rien de tout ce qui a été vu et entendu durant les trois jours de cette manifestation n'était écrit en amont. C'est ce qu'ont souhaité Céline Pierre et la dizaine d'intervenantes vouées à cette pratique qu'elle défendent bec et ongles, revendiquant la simplicité, l'écoute de l'autre et le jouer ensemble : « La sororité, c'est dire non à l'individualisme et c'est dur tous les jours, parce que c'est contraire à tout ce qu'on nous a appris »… (Publication de Céline Pierre pour l'événement Sorores Sonors). (MT)

Crédit photographique : © ResMusica

 

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9-V-2025. 19h00. Solo suite. Soizic Lebrat, violoncelle.
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10-V-2025. 19h00. Impropositions. Atelier d’improvisation de Lucie Prod’homme avec l’orchestre à cordes du Conservatoire de Chaumont.
20h30. Trio Adventice. Pom Bouvier-b, lutheries sauvages et objets glanés ; Patricia Dallio, lutherie électronique ; Aurore Gruel, danse.
22h00. FKBass solo. Floy Krouchi, basse augmentée.
23h00. Concert électro. K-teu, DJ.
11-V-2025. Performance collective. Ayako Okubo, flûte octobasse ; Céline Pierre, diseuse; Laëtitia Pitz, texte.
Sur l’ensemble des concerts, Lucie Laricq, ingé sonne.

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