Le Trio Arnold dans d’inestimables musiques hongroises du début du XXe siècle
Cet enregistrement de trois contemporains de Béla Bartók (Lajtha, Kodály et von Dohnányi) doit au talent du jeune Trio Arnold.

Dénommé en hommage au compositeur autrichien Arnold Schönberg, qui avait lui-même composé un Trio pour cordes op. 45 en 1946, cette formation de chambre fondée en 2018 entre Berlin et Paris réunit trois artistes de tout premier plan. De leur rencontre en Suisse à l'Académie internationale suisse Seiji Ozawa, ils progressent sensiblement au contact de grands maîtres comme Pamela Frank, Nabuko Imai, Sadao Harado et remportent sans tarder nombre de récompenses, prix et commentaires dithyrambiques. Signalons encore que le Trio Arnold est en résidence à la Fondation Singer-Polignac à Paris et à la Chapelle musicale Reine Elisabeth à Waterloo et qu'il donne de nombreux concerts à travers le monde.
Ce troisième enregistrement crée un formidable enrichissement du trio à cordes hongrois du premier XXe siècle en consacrant la redécouverte de proches musiciens ayant œuvré dans le sillage de Béla Bartók, mais n'ayant jamais atteint sa popularité internationale. L'album fait suite à un premier enregistrement consacré à Beethoven (Mirare, 2021) et à un second centré sur la musique de Richard Strauss (B-record, 2023).
Ernö (ou Ernst) von Dohnányi (1877-1960) occupe une position très importante pendant le siècle passé et est considéré comme une des personnalités hongroises les plus importantes depuis la carrière de Franz Liszt. Pédagogue majeur, pianiste accompli, chef d'orchestre, impliqué dans la vie de la radio et des concerts de son pays, il est connu pour ses compositions lyriques et sa musique de chambre. Son œuvre s'enrichit de nombreuses références (Schubert, Brahms, impacts de la culture tzigane) autant que du rejet d'autres esthétiques. Il s'installera aux Etats-Unis en 1949. Sa Sérénade pour trio à cordes op. 10 compte parmi ses plus grandes réussites dans le registre de la musique de chambre. Cet opus en cinq mouvements s'impose par son invention mélodique et son indépendance vis-à-vis des règles classiques. Son écriture tour à tour virtuose et riche de tempos rapides (Marche ; Scherzo) contraste avec les sections largement lyriques (Romance ; Tema con variazone).
Son quasi contemporain Zoltán Kodály (1882-1967), musicien talentueux et complet, s'investit dans l'étude et la promotion des chants populaires hongrois qu'il collecte, à l'image de son ami Béla Bartók, et qui ne manque pas d'intérêt. Son aura gagne en ampleur après la création de son profond Psalmus Hungaricus (1927). Son Intermezzo composé à Budapest en 1905 regarde vers l'opus 10 de Dohnányi mais demeure encore en deçà de l'aisance de son collègue tout en affichant une certaine prestesse et joliesse pouvant évoquer dans une certaine mesure la manière attrayante d'un Felix Mendelssohn.
La partition la plus remarquable de ce programme pour trio à cordes est à mettre au crédit de László Lajtha (1892-1963), moins connu que ses proches Bartók et Kodály, mais hautement intéressant, il surprend et enchante avec Soirs transylvains même s'il est surtout très réputé en tant que symphoniste mais pas exclusivement. Deux Trios avec piano antérieurs (op. 9, 1928 et op. 18, 1932) donnés à Paris adoptent une tonalité proche de la distraction ; ils contrastent avec le Trio op. 41 composé en 1945 laissant transparaitre une influence hongroise manifeste comme le laisse entendre son sous-titre. Soir de printemps repose sur une écriture virevoltante et une variété d'écriture changeante (elle est redevable du folklore, propose des mesures méditatives, d'autres nettement plus guillerettes) d'une richesse inépuisable, source d'un grand plaisir d'écoute. Soir d'été charme par une aisance élégiaque mémorable. Plus rude, Soir d'automne s'autorise des dissonances fort bien intégrées et contrôlées, des glissandi bienvenus… un pied dans la modernité de l'époque, notamment proche de Bartók. Enfin, Soir d'hiver contraste avec son discours volubile et virtuose. Cette pièce attachante et brillante, par trop méconnue, possède tous les atouts d'une écoute passionnée et passionnante. Une œuvre précieuse par son originalité et ses subtilités.
Les musiciens du Trio Arnold parent leurs exécutions d'une forte homogénéité sonore et l'embellissent par leur implication passionnée et leur curiosité polyvalente, et, au-delà encore, par la grande force expressive qui se dégage de leur jeu. Ces choix bienvenus offrent une fenêtre très qualitative sur la musique de chambre hongroise, insuffisamment connue dans nos médias et resplendit sous les archets des Arnold.









