Afrosonica au Musée ethnographique de Genève : la musique au cœur
Comment montrer la musique ? C'est la question épineuse à laquelle s'est confrontée le très beau musée ethnographique de Genève (MEG), à travers son exposition Afrosonica, paysages sonores.

Selon la commissaire de l'exposition et grande spécialiste de musique, Madeleine Leclair, conseillée par l'artiste africain Ntshepe Tsekere Bopape et le musicologue Mathias Liengme : « l'approche géographique ou chronologique n'était pas pertinente pour cette exposition. Nous avons mis en place un découpage par grandes thématiques, qui peuvent se parcourir dans l'ordre que l'on veut. » Ainsi, le visiteur déambule à son rythme dans les différents espaces de cette exposition temporaire très joliment mise en scène, en explorant quatre thèmes : La musique de l'intime, Les connexions espace-temps, L'appel des ancêtres, et Vibrer dans un paysage sonore.
Chaque thématique s'appuie sur un choix de musiques ou de sons, choisis parmi les 20 000 heures d'enregistrement de traditions musicales qui composent les archives musicales du musée. Ces archives exceptionnelles, créées en 1948, sont accessibles à tous sur place et elles sont également listées sur le site du musée. La plus ancienne, venant de Grèce, date de 1890 et a servi à Maurice Ravel pour son recueil des Cinq mélodies populaires grecques.
Mais dans Afrosonica, paysages sonores, ce sont les musiques venant du continent africain qui sont mises à l'honneur et forment le cœur de l'exposition. Les instruments de musiques traditionnels appartenant aux collections du MEG ou prêtés, notamment par le musée parisien du Quai Branly, des masques qui servaient surtout lors des cérémonies traditionnelles à dissimuler le chanteur, ou encore des œuvres contemporaines, viennent illustrer les sons disséminés avec beaucoup d'ingéniosité dans l'espace. Les œuvres présentées sont ainsi très variées : ensemble de lamellophones dont certains, sculptés, sont de toute beauté, relevés de peintures pariétales figurant des instruments de musique ou des danses, découvertes dans le Sahara central, luths traditionnels en bois de différents pays, tambours ou cloches sculptés, pochettes de disques de rumba congolaise, hochets fabriqués à base de calebasse et de graines ou encore guitare fabriquée au Soudan à partir d'un bidon d'huile, pour n'en citer que quelques-unes. Dans les vitrines ou sur les murs, les origines géographiques et les époques correspondent et se complètent dans une mise en scène sobre et aérée.
« La musique à un pouvoir vital. Elle fait le lien entre les gens, entre les époques, avec l'environnement et avec soi-même, reprend Madelaine Leclair. La musique permet de s'exprimer, mais aussi de résister ou de se souvenir du passé. » Une trentaine de dispositifs audiovisuels, 224 objets, documents et instruments de musique et sept créations contemporaines répartis dans le parcours muséal témoignent de ces différentes fonctions de la musique. Selon l'endroit, la musique, qui non seulement fait partie intégrante de cette exposition mais en constitue son cœur, s'écoute au casque, se déclenche au passage d'un visiteur devant une œuvre ou une installation, se ressent, seul ou collectivement, allongé ou assis sur un dispositif qui permet de ressentir les vibrations du son. Une expérience sensorielle qui nous rappelle que la musique et le son en général ont la pouvoir d'ouvrir les esprits, de faire ressentir l'instant présent, de transmettre des émotions et d'établir des connexions entre humains et non-humains.
L'exposition Afrosonica, paysages sonores, qui explore le rôle de la musique et du son dans les sociétés africaines et leurs diasporas, fait également l'objet d'un disque, Afrosonica, édité sur le label du MEG et sur lequel on retrouve les quatre pièces produites spécialement pour l'exposition, parfois avec des instruments traditionnels : Depot, par KMRU, The Shrine, par Yara Mekawei, Mémoires d'arbres, composé par l'artiste japonaise spécialiste des instruments africain, Midori Takada, et Daughters of the Dust. Sons of the Soil, de Tsekere Bopape, alias Mo Laudi.
Crédit photographique : Midori Takada et le xylophone sénoufo @Chiara Cosenza ; Grelots du Soudan @ MEG, J. Watts ; Lamellophone de la République démocratique du Congo @ MEG, J. Watts
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